vendredi 10 mai 2013

Le collectionneur de timbres et la trublionne

Monsieur Psy (Ah ! Mon psy...) m'a emmené sur des chemins inattendus.

Je lui racontais comment, grâce à une conversation avec G. (merci G. !), j'avais trouvé ce qui manquait dans mon roman en cours. 

Un homme tue une femme, de façon prémédité. Et même, il la poursuit avec une rage et une détermination peu commune. Qu'est-ce qui pouvait bien justifier une pareille colère, une pareille haine ? Beaucoup d'amour, surement, mais encore ? La banale tromperie semblait bien peu crédible. C'est alors que G. me fait : "et bien, je sais pas... Imagine un collectionneur de timbres, et qu'elle lui bousille sa collection".  Une image s'est imposée à moi : un type totalement passionné par sa marotte, une collection de timbres par exemple, planquant jalousement sa collec, la bichonnant, la mettant sous clé. Et une femme qui arriverait venue de nulle part, qui lui détruirait sa collec. Oui, voilà de quoi la punir de mort ! Et lui en vouloir même par delà la mort ! J'avais le début de mon idée. Je pensais à Barbe Bleue et sa collection de femmes trucidées, les idées s'enchaînaient les unes aux autres.

Mon psy est tout sauf con (en plus il est beau, le fourbe !). Mon Barbe-Bleue, que je lui collais sous le nez d'autorité, il le classa par pertes et profits, et s'attaqua au collectionneur.

Un collectionneur, m'expliqua-t-il, c'est un obsessionnel. Il classe, range, structure son monde. Il se crée un système de valeurs rigides, un univers fermé et rassurant. "Et vous - car votre héroïne, c'est vous, n'est-ce pas - vous arrivez et vous dérangez son monde, vous secouez ses valeurs, ses certitudes. Ca vous parle ? Ca vous rappelle quelque chose ?"

J'en restais comme deux ronds de flan. Ce type m'épatait. Sur le moment, je lui ai répondu un peu à coté. J'ai brodé sur mes relations avec mes parents, bien sûr, mais j'ai vite dévié sur la sensation d'être envahie, colonisée par l'autre et son monde, ses exigences aléatoires, sa folie du contrôle. Mais en arrière plan, je pensais à E., à son monde tout bouleversé, à d'autres aussi dont j'avais dérangé quelques peu la collection de timbres. Je remontais jusqu'à ma naissance et même ma conception. Ma mère ne s'était mariée que pour échapper à sa famille, elle comptait bien désormais être libre, enfin ! Elle avait des plans assez précis, mais la trublionne que je suis a décidée de s'inviter dès le voyage de noces ! Elle sortait à peine d'une prison pour entrer dans une autre ! Je peaufinais mon entrée en choisissant de naître avec de l'avance et priver ainsi ma mère de noël. Un noël à la maternité, elle m'a souvent seriner que ça n'était pas un cadeau ! Pour ma mère, j'ai continué à être cet enfant empêcheur de tourner en rond, qui la fixait d'un regard qu'elle avait le plus grand mal à soutenir. Je la renvoyais à une vision d'elle-même qu'elle ne voulait pas voir.

En quittant la séance de psy, j'étais partagée, pour ne pas dire déchirée. Démolir les certitudes, foutre des coups de pieds dans les mondes clos, c'est plutôt sympa comme idée. J'aurais presque honte d'aimer ça tellement cela semble un brin prétentieux. Seulement, dans mon roman, mon héroïne le paye de sa vie. Et force est de constater que jusqu'à présent, déranger les collectionneurs de timbres ne m'a pas été très profitable.

Que faire quand on est une dérangeuse de collections ? Continuer ou faire autre chose ? Mais alors quoi ? Et qu'advient-il d'elle ? 


mercredi 1 mai 2013

La lectrice : une resucée

Je ne pense pas que H., en me proposant de boire un verre dimanche, pensait vivre ce que je lui avais préparé pour aujourd'hui.

D'ailleurs, au départ, il n'était même pas disponible avant une date franchement déplaisante, car singulièrement éloignée. Quand on veut on peut, m'étais-je dis. 

Un sms en amenant un autre, je lui fis entrevoir la possibilité de le recevoir chez moi, vêtue d'une simple robe de tulle blanc, légère et impudique, pour lui faire la lecture d'extraits choisis de mes écrits érotiques, à la condition expresse qu'il ne me touche pas, et qu'il n'en exprime même pas le désir. Il doutait de ma capacité à résister. Moi, pas. Il trouva un créneau pour me voir.

Il me promis du vin, je demandais à connaitre ses dégoûts et ses goûts afin de choisir les extraits en conséquence. Pour les dégoûts il me cita de grands classiques (pédophilie, zoophile et scatologie), ce qui me laissait une sacré marge pour explorer ses limites réelles. Quand on leur parle tabous, les gens pensent à des choses vraiment affreuses, et peu probables. Pour les goûts, H. m'indiqua qu'il avait des souvenirs merveilleux de sodomie, et un fantasme dont il ne savait pas s'il le réaliserait un jour : les boites échangistes. 

Quand nous nous retrouvâmes devant un verre de Pouilly, à une heure un peu précoce tout de même pour cela, il me demanda rapidement si j'avais trouvé des extraits correspondants à ce qu'il m'avait indiqué. Mais je gardais le mystère jusqu'à l'heure de la lecture. Ce qui ne tarda pas, il était impatient.

Je fis glisser la robe portefeuille que je portais sur ma nuisette de tulle, moulante à souhait, transparente jusqu'à l’indécence  et je vis à son regard admiratif qu'il n'en attendait pas tant. "Elle vous plait ? demandais-je, faussement inquiète. C'est ainsi que vous l'imaginiez ?" (oui, H. et moi nous vouvoyons). "Heu... Oui... oui... Enfin... Je l'imaginais moins... plus..."

Je pivotais pour aller m'allonger sur le lit, lui laissant découvrir ma chute de rein (mon cul dans cette robe de tulle... Ah ! On  en mangerait !), pendant qu'il restait assis sur une chaise qu'il approcha cependant à environ un mètre. Lui qui m'avait comparé à une odalisque dimanche était servi !

Je commençais par les extraits sur le sauna et boites échangistes. J'avais envie de garder la sodomie pour après, me doutant que cela lui rappellerait des souvenirs, et que cela pouvait l'inspirer plus que la découverte de situations qu'il ne pouvait qu'imaginer. Nous finirions donc en apothéose, enfin tel était mon idée. Je lui indiquais qu'il pouvait m'arrêter à tout moment, si cela devenait trop difficile.

Après les premiers extraits, H. me complimenta sur les qualités littéraires de ce qu'il entendait. Il soulignait l'originalité du lexique, et commentait d'un ton qui tâchait de prendre de la distance. "Vous voyez, me dit-il, je garde un regard littéraire, pas du tout à connotation sexuelle". 

Cependant, alors que j'en étais à un extrait où je raconte comment j'ai fait un merveilleux cunni à une adorable blondinette lors d'une de mes virées au sauna, je le senti s'émouvoir rapidement. Plongée dans mes pages, j'entendais sa respiration s'accélérer, s'affoler un peu. Je levai les yeux à la fin de l'extrait pour le découvrir tout rose, les traits un peu chiffonnés, les mains repliées en conque au niveau de son sexe. Cachait-il une érection ou cherchait-il a se toucher un peu ? Ou les deux à la fois ? 
C'est alors qu'il me demanda : "accepteriez-vous de me laisser déroger à notre règle juste deux minutes ?" Je supposais qu'il parlait de la règle de ne pas me toucher, mais, quoi qu'il en soit, je désirais aller jusqu'au bout du jeu tel qu'il était prévu. J'avais décidé de le prendre au mot : "Non". "Je vous en prie... Juste deux secondes alors ?" "Non, la règle, c'est la règle". "Mais vous savez bien que les règles sont faîtes pour êtres transgressées, surtout en France" gémit-il en gigotant et en tirant sur son pantalon devant son sexe. Je restais inflexible.

Avant de passer à la sodomie, je lui lu un extrait qui n'avait rien à voir avec ses deux propositions. Je lui lisais la Vendée, et la plage du petit pont, la scène de bisexualité masculine. Je senti rapidement que cela ne lui convenait pas, je sentais l'atmosphère se charger de gène, voir de dégoût. Ce qu'il me confirma à la fin de l'extrait. La façon qu'il eu de me dire que les hommes ne l'attirait pas du tout, le ton avec lequel il me le dit, ne me laissa aucun doute : il était choqué, il m'en voulait un peu de lui avoir imposé cela. J'avais touché à un autre tabou, et, pour tout dire, j'en étais fort aise. Je voulais voir jusqu'où allait sa sexualité, et je commençait à en cerner les limites. Et après tout, il ne m'avait pas stoppé.

J'avais sélectionné plusieurs extraits concernant la sodomie. Je ne pu en lire qu'un. C'était, il est vrai, un morceau de choix. Ma -presque - initiation. Tout en lisant, je lui jetais de temps à autre un regard. Je voyais son visage torturé par le désir, ses traits décomposés par l'excitation. Sa respiration était bruyante, précipitée, il ne savait que faire de ses jambes, les pliants et les dépliant, cherchant la position la moins inconfortable. Ses mains, posées sur son sexe, tiraillait de temps en temps l'étoffe du pantalon.

J'étais, quand à moi, d'une impassibilité parfaite. J'étais concentrée sur ma lecture, et j'aurais tout aussi bien pu ânonner le code civil, cela ne m'aurait pas fait plus d'effet. Ce que H. ne sait pas, c'est que je suis une tactile. Sans le toucher, je peux rester de marbre assez facilement. Mais frôler une main peut m'électriser. Sans compter ma volonté ferme de mener le jeu tel que prévu. Ce qui ne manquât pas de finir de le déstabiliser.

Comme il m'avait confier, après la fin de l'extrait sur la sodomie, qu'il était plus sage d'arrêter là, je le raccompagnais à la porte où il me fit part de son impression de ne pas me plaire, ce qui me fit rire. Tout à son angoisse de ne pas provoquer de désir chez moi, et à sa frustration de ne pas avoir assouvi son désir, il oublia de me remercier pour ma lecture. Je lui posais deux baisers, assez proches de la bouche, mais pas trop. Il profita alors de ce rapprochement pour me saisir par la taille, la respiration courte, et approcha sa bouche de la mienne. J'hésitais un instant. Le contact de ses mains m'émouvait, tissait un petit arc de frissons le long de mon échine, mais je résistais à l'envie de goûter ses lèvres pour voir ce que cela me ferait, pour tester si nous étions sensuellement compatible, et ouvrit la porte.

Et dire que je ne voulais pas amener les choses sur le terrain sexuel... Je ne sais qu'en penser. Je me suis particulièrement amusée aujourd’hui. J'ai ressenti une joie profonde à exciter cet homme, à tester mon pouvoir de séduction, à mener le jeu exactement comme je le souhaitais. J'ai senti la vie en moi, c'était comme un printemps intérieur. La sexualité, l'érotisme, la manipulation du désir -celui de l'autre, le mien- font partie de moi, des bases de mon rapport au monde, je crois. C'est un domaine où je me sens bien, à ma place, en harmonie, vivante. Et, finalement, je ne peux envisager une relation avec un homme si ce domaine n'est pas partagé.

Problème : j'ai la sensation d'avoir entraîné H. sur mon chemin, alors que mon but était de découvrir sa "bizarrerie". Et à vrai dire, j'ai en tête le prochain scénario érotique pour une prochaine rencontre avec H., mais pas de plan pour passer à autre chose, à la découverte de son monde à lui.