Il y a quand même eu des signes précurseurs.
Je me rappelle avoir écrit, en octobre, que ce n'est pas que je n'avais plus de vie sexuelle, mais que je n'avais pas envie de publier à ce sujet. Je voulais garder ça pour moi.
Je n'ai rien dit de mes séances de jambes en l'air avec L. Pourtant, il y aurait eu matière. Je ne vous ai rien dit de mes quelques rendez-vous ces derniers mois avec G. Pourtant, il y avait là aussi de quoi faire. J'aurai pu vous conter mes déjeuners et pots successifs avec E. Je m'en suis bien gardée. Pourtant, là, pas de détails scabreux, notre relation est platonique désormais.
J'ai écrit deux "romans" autobiographiques. Le troisième ne le sera pas.
Cela ne lassait pas de m'interroger. Après m'être largement montrer, exhibée, mise à nue, je me mettrais à avoir des pudeurs de vierge ?
Oui, mais non.
Pourtant, je vous rassure, ma vie m’intéresse toujours, et de plus en plus. Et c'est peut-être là que réside le mystère.
J'ai longtemps été vide. Vide de moi, vide d'évènement. Multiplier les rebondissements, les aventures, les moments remarquables (en positif ou négatif), était une solution pour nourrir mon vide, ce tonneau des danaïdes.
Pour que ma vie prenne une dimension quelconque, pour qu'elle existe vraiment, j'ai aussi trouvé une médiation formidable : j'ai écrit. C'était une joie féroce que de se sentir exister, enfin ! Grace à ce que j'écrivais. Grace à mes romans, grâce à mon blog ou autres lieux d'écriture et de publication. En forçant le trait, je dirais que je ne vivais vraiment les choses qu'en les écrivant, mieux en les relisant. Le summum de la sensation d'avoir vraiment vécu "ça" étant que d'autres le lisent, et le commentent. Si cela existait pour les autres, c'est que ça existait vraiment.
Force m'est de reconnaître que, durant presque toute ma vie, je n'ai vraiment exister que dans et grâce au regard des autres. Tout en prétendant me foutre comme d'une guigne de ce que pouvait penser les gens. Ce qui était en partie vraie : peu importe ce qu'ils en pensaient pourvu qu'ils en pensaient quelque chose ! Pourvu qu'ils me voient, m'accordent une existence.
Tout cela est bien triste.
Donc, m'interrogeant sur mes pudeurs soudaines, j'ai réalisé cette chose étonnante : j'existe en moi désormais, en dehors de tout regard, en dehors de toute validation par autrui. Je ne dis pas que je me suffit à moi-même, non. Ce fantasme m'a quitté en même temps que mon besoin de "validation extérieure" pour vivre. Je dis que en moi il n'y a plus le vide, il y a du plein. Ma vie est en moi, elle n'est plus dehors aux quatre vents, à la grâce de celui qui la ramassera et me la rendra toute sale et déformée.
J'ai des frontières désormais, qui contiennent des choses intimes et qui doivent le rester. Ou bien, si je les donne, c'est en cadeau, c'est chose précieuse que j'offre. Je ne suis plus un terrain vague ouvert à tous.
Il y a un inconvénient à cela malgré tout. Je me sens fragile. Toutes ces choses en moi, toute cette vie, c'est fragile, c'est précieux. Moi qui, souvent, ne me suis pas ménagé, ai affronté des situations douteuses, voire dangereuses, je me sens menacée par quelques aléas qui peuvent sembler mineurs. Les petites tempêtes du quotidien battent mes côtes. Je ferme les ports et les frontières pour consolider mon pays en devenir.