vendredi 28 décembre 2012

Sous le signe du père

Hier, a 19h00, le papa de G. s'est éteint.

Vers 13h00, j'étais attablée dans une brasserie vers Réaumur, et j'ai alors consulté le message que G. m'avait laissé le matin même : il filait à l'hôpital, son père était au plus mal. J'attendais E. avec qui je devais déjeuner. Je vois d'ici Poudre au yeux s'étouffer. Ne t'inquiète pas ;)

J'ai donc essayé tant bien que mal de concocté un sms pour G. visant à dire ma peine, et combien je pensais à lui, à sa détresse, et combien je l'embrassais fort. On est toujours un peu démuni dans ces moments là.

Mais E. était là, à l'heure, et pour cause il était en rendez-vous à quelques tables de là, ne me laissant que trop peu le temps de réfléchir à ce sms. Je ne l'avais pas remarqué en entrant, trop bien persuadée qu'il serait, comme à son habitude, en retard.

C'était un drôle de télescopage, l'agonie du père de G., mon rendez-vous avec cet homme dont d'aucun connaissent les liens avec mon père, car qui est plus manipulateur l'un que l'autre, plus sûr de lui en apparence l'un que l'autre, plus écrasant pour moi l'un que l'autre, mystère ? Lequel des deux m'a le plus manqué (dans les deux sens du terme) dans ma vie, mystère ?

J'étais plutôt sereine. Je n'avais pas le trac. J'ignorais l'effet que cette rencontre, presque deux après avoir vu E. pour la dernière fois, produirait sur moi. Mais je savais ce que je voulais, et ce que je ne voulais pas.

Pourtant, quand j'avais réfléchi ce matin là à ce rendez-vous, j'avais ressenti une inquiétude à l'idée de devoir donner des nouvelles, devoir parler à E., lui dire ma vie. Je me sentais un peu stupide, ne sachant pas par quel bout prendre les choses. J'avais peur de ne pas savoir m'exprimer, de rester coite. A vrai dire, je repoussais cette impression trop bien connue. Ce genre d'angoisse me vient à peu près trois fois par jour, il m'arrive de me sentir incapable de demander un pain complet au boulanger. Pourtant, j'y arrive toujours. J'y arriverais là aussi.

Mais l'ennui, c'est que, pour le coup, c'est un peu ce qui s'est passé avec E. Heureusement, il parle lui. Il le sait bien, j'ai même réussi à lui glisser un peu mesquinement que ca, il savait faire. Mais moi, ca m'arrange bien de laisser les gens parler, et surtout E. Tout l'enjeu est alors pour moi de prendre la parole, puis de la garder, ou de la reprendre pour finir ce que j'ai à dire. Avec E., c'est encore moins simple qu'avec n'importe qui d'autre. L'émotion des retrouvailles aidant, me voilà avec le cerveau qui cafouille, l'impossibilité de trouver un sujet intéressant me concernant (car, me concernant, rien n'est suffisamment intéressant, forcément). 

Je sens que je me ratatine, que je me vide petit à petit. Et c'est alors que E. se tait. Longuement. Il me regarde, et je n'ai rien à dire contre ce regard. Dans tous les sens du terme : je n'ouvre pas la bouche, je n'ai rien à dire, et je ne trouve dans ce regard rien que je puisse reprocher à E. Il me laisse la parole, il a déjà trop parlé de lui, il le sait, il se tait pour me laisser la place, la parole. Sauf que dans ma tête c'est le blocage total. Je me sens devenir toute petite. Non seulement je suis muette, mais E. attend que je parle. Je ne vais pas y arriver. Je vais faillir. Je suis prise au piège sous le regard de E., sans échappatoire, et plus je tente désespérément de sortir du silence moins j'y arrive, car plus le silence dure et plus l'enjeu grandit. Plus le silence dure et plus ma prise de parole va s'entendre.

Je ne sais pas si je dois remercier le serveur qui nous amène le vin, rempli nos verres et nous permet de trinquer à mon anniversaire. Ce qui me permet de m'accrocher à cet évènement absolument misérable qu'est mon anniversaire, ma naissance. Je parle du goûter entre filles que j'ai organisé pour mon anniversaire. Je me sens artificielle, inintéressante, mais je m'accroche à mes mots comme autant de bouées. 

Mes propos me sembleront maladroits souvent dès lors, mais je vais résister, et m'ingénier à finir mon propos à chaque fois. 
E., souvent, me coupe, parts sur ses anecdotes à lui. Je reprends le fil après la digression, parfois au prix d'un effort de mémoire. Comment en est-on arrivé à parler de son fils et de son manque d'autonomie ? Ah oui, voilà, on était parti de l'adresse de mon job, parce que son fils, etc... Et je reprends là où E. m'a coupé.

A l'évocation du fils de E., qui donc manque d'autonomie et de projets personnels à passé 20 ans, je n'ai pu m'empêcher de sourire. Et de voir toutes les similitudes entre ce jeune homme étouffé par sa mère et écrasé par son père, et moi, incapable de seulement ouvrir la bouche.

De la même façon que c'est E. qui donne l'ordre à son fils d'être autonome, tout en lui disant comment faire, et où et quand, il m'a donné l'ordre de prendre ma place dans la conversation, quand il l'a jugé utile, et de la façon qui lui convenait. Soit libre, soit naturelle, mais à ma façon.Terrible injonction paradoxale. Terrible parce qu'alors la seule façon d'être autonome, d'être libre, c'est...de ne pas l'être. Pour le fils de E., comme pour moi, la seule façon de devenir adulte, de dire "je suis" à E., c'est se réduire au silence et à son propre néant.








mercredi 26 décembre 2012

Noël, c'est fait !


Vendredi soir, en sortant du taf, sur le quai du métro, je repère un mec qui me dévore des yeux. 

On se débrouille pour monter dans la même rame, et il continue de me chauffer de ses yeux à me dessaper sur place. 

Pas mal, une bonne tête. Et son regard m'électrise. 

Je décide de ne pas me dégonfler. Je le regarde aussi, bien dans les yeux. Je souris. Puis mon regard s'égare. Je suis intimidée, j'ai un peu peur. 

On joue a se regarder encore. Il articule des mots que je n'entends pas mais que je décrypte sur ses lèvres : "tu es belle, "je te veux". 

Je suis toute chose. J'ai peur, mais je ne veux pas avoir de regret. 
Juste avant mon arrêt, il se lève, il marche un peu vers moi. On va descendre à la même station. 

Il me suit vers la sortie. J'ôte mes écouteurs. Dans l'escalier il me salue, me demande s'il ne me dérange pas. Nous échangeons quelques mots, il veut m'offrir un verre. Mais je suis pressée ce soir-là, je n'ai pas le temps. 
Il me demande si j'habite là. Pas loin, mais pas là. Il prétend habiter à Versailles. Mouais.... Un versaillais au fin fond du 19eme à 18 heure ? Avec un prénom pas vraiment catholique. Et une pointe d'accent. Bref. 

Je lui demande son numéro de téléphone. Il s'exécute. Je lui dis que je l'appelle le lendemain. Il veut que je le bipe, pour avoir mon numéro lui aussi. Je fais mine d'obéir et puis... non, j'appelle demain. Et je lui fausse compagnie au feu.

24 décembre, 20h00, me voilà donc Place Stalingrad, assise sous un réverbère, à lire en attendant le monsieur qui a du retard. C'est trop de bonheur. Au téléphone il m'a parlé de 15 minutes de retard, on en est à 30. Je commence à sentir le froid m'attaquer les épaules. J'envoie un sms pour dire que je me casse et je file. Mais mon téléphone sonne une fois, deux fois, trois fois. Je laisse sonner à chaque fois. Je sens une présence à coté de moi. Un dragueur supplémentaire, je suppose, en une demi-heure d'attente sur la place j'en ai déjà eu mon contant. Mais le dragueur me parle, je me retourne, c'est mon rencard. Je n'ai qu'une envie : le mordre.

Il connait le quartier, pour y avoir habité, dit-il, et il m’entraîne vers un japonnais. Le resto ne paye pas vraiment de mine, avec sa déco asiatique-plastique, mais je suis agréablement surprise par la qualité de ce qui nous est servi. Mon dragueur de métro a toujours le regard pétillant qui m'a plu vendredi, un brin d'inquiétude en prime. Il me demande de fouiller plusieurs fois dans les poches de sa veste qu'il a accroché sur le dos de ma chaise, pour y trouver ou remettre son téléphone, puis pour y puiser son porte feuille. C'est étrange, ca crée comme une proximité, un peu artificielle finalement.

On discute de banalités concernant les différences culturelles, de racisme, de quartiers "cosmopolites". Il a voulu que je devine d'où il vient. Je fini par lui demander assez gauchement ce qu'il espérait en me draguant dans le métro, et en me voyant ce soir. En fait, je cherche à juger de sa capacité à respecter une femme qui baise comme elle respire. Pas envie de me retrouver chez moi avec un type qui va me traiter comme de la crotte. Et aussi a évaluer sa sincérité. Va-t-il tenté de me baratiner ? Il me renvoie traîtreusement la question : et moi, qu'est-ce que j'attendais de lui en lui souriant dans le métro? Question à laquelle j'évite soigneusement de répondre. Il dit vouloir aller acheter une bouteille de champagne en sortant du resto. Mais j'ai d'autres projets, je me lance : "si ça peut correspondre à ce que tu envisageais, je te propose d'aller chez moi, j'ai du champagne au frais".




Arrivés chez moi, le lit nous accueille opportunément. Après quelques baisers, quelques caresses par dessus les vêtements, il attrape la fermeture éclair de ma robe et fait jaillir mes seins. Je n'ai pas mis de soutien gorge. Malheureusement il se met à me frotter les seins, un peu comme s'il cherchait à en tirer des étincelles pour un quelconque feu de camp. Je trouve la méthode peu satisfaisante et un brin brutale. Je lui dit : "doucement". "Pourquoi ?" me répond-il. Mais parce que je le veux ! Parce que j'aime doucement ! Quelle question ! Il semble étonné, mais continue de plus belle. Je dois lui redire les choses. Je me glisse sur lui et colle ma tête sous son pull. J'adore ça  les torses d'hommes. J'y colle mon nez, ma langue, mes dents. Je navigue un peu partout, le nez et les papilles a l’affût  m'enivrant d'odeurs et de goûts. Je lui ôte son pull. Je lui fourre mes seins dans la bouche. Il vagit de plaisir, et me les boulotte consciencieusement. Il me fait : "tu sais, tu vas pas beaucoup dormir toi cette nuit". Je demande à voir... Il est heureusement plus doué avec sa bouche qu'avec ses mains, même si je dois le calmer par moment : mes seins sont très réactifs, et très fragiles, il faut les câliner doucement. Et toujours cette question : "pourquoi ?". Et toujours la même réponse : "parce que c'est comme ça que j'aime !" 

Quand il glisse sa main dans mon leggins, je suis passablement excitée. J'en profite pour caresser sa bite par dessus le pantalon. Je l'entends souffler de désir. Ces mouvements sur ma chatte me paraissent mal habiles, peut-être est-il gêné par le leggins que j'enlève. Il en profite pour enlever aussi son pantalon. Mais il poursuit ses caresses de façon tout aussi malhabile, tirant mes petites lèves de façon déplaisante, puis frottant ma chatte du plat de la main, comme il l'avait fait sur mes seins. Parfois il écarte sans ménagement mes lèvres pour regarder  de près, sans autre forme de procès. Tout cela est inapproprié et presque douloureux. Je l'arrête : doucement ! Et toujours : "pourquoi ?" Je prends sa main, dirige ses doigts, mais rien n'y fait, il reprend ses caresses mal venues, si tant est qu'on puisse parler de caresses. Espérant avoir une aussi bonne surprise que pour mes seins, je lui souffle : "j'ai envie que tu me lèches". Mais il me répond : "ca, non ! Pas ca !" Je reste quelque peu interdite. "mais je fais avec mes doigts" me dit-il. Quelle consolation... Et alors que je me suis allongée à coté de lui et que je lui caresse vaguement la bite que j'ai sortie du caleçon, et que je réfléchi à une introuvable solution, il  me pousse un peu la tête vers sa queue et me fait : "mais toi tu peux". Ben voyons ! Je réponds : "tu lèches pas, je suce pas. C'est donnant donnant". Il s'étonne. Il me demande comment je vais faire. Comme lui, avec la main. Il est mort de rire, il fait le geste de se branler et : "comme ça ? Tu vas faire comme ça ?" Ben oui. Je ne vois même pas où est le problème, mais lui apparemment, n'a jamais vu une femme branler un mec. Et je crains que cela ne soit pas le seul manque à sa culture sexuelle.

Je n'avais plus beaucoup d'espoir quand à l'issue de la soirée, et je cherchais juste une sortie par le haut. Mais même ça me semblait compromis. Que dire à ce type qui visiblement n'entendait rien au plaisir féminin ? Et qui était tout aussi visiblement incapable d'apprendre avec ses "pourquoi" stupides.

Il retente une incursion vers ma chatte, mais je ferme les jambes. Je n'ai aucune envie d'une deuxième séance de frottage. Il m'interroge. Qu'y-a-t-il ? Qu'est-ce qui se passe dans ma tête ? Je tourne et retourne une réponse écoutable. La seule chose que j'ai envie de lui dire c'est qu'il baise comme une savate. Mais je dis : "si tu ne me lèche pas, et que tu ne me caresses pas comme j'aime, je n'arriverais pas à jouir". Et de surcroît je passerais un très mauvais moment, et en plus il va user de mes capotes puisqu'il n'en a pas amené, tout ca pour me faire farcir comme une dinde. Mais ca je le tais. J'ai envie de le voir disparaître d'un coup de baguette magique. Si seulement ma chatte était une lampe, Aladin, il en serait sorti un petit génie quand tu l'as frotté, et tu aurais été dématérialisé à ma demande, sans barguigner !
Le mec reste interdit, et me sors : "hein ? Mais pourquoi ?" Un instant j'imagine qu'il ne sait pas qu'une femme joui. Ou qu'elle puisse vouloir jouir. Mais le temps n'est plus aux questions métaphysiques.


D'ailleurs, après avoir prétendu me satisfaire quand même (comment, mystère) il se contorsionne pour approcher sa queue de ma bouche et me fait : "un petit bisou, fais lui un petit bisou".

Je m'éclipse dans la salle de bain, où je me rassemble. C'est décidé, je le fous dehors. Même s'il faut que je le colle dans le couloir par la force. Je suis prête à en découdre, à le frapper s'il le faut, à le piétiner, à le tuer.

Je retourne m'asseoir au bord du lit et : "Aladin, je préférerais que tu t'en ailles". Aladin est stupéfait. Les 40 voleurs arrivant dans la grotte au trésors ne lui feraient pas plus d'effet. Mais pourquoi ? Que se passe-t-il ? Et bien les choses ne se passent pas bien pour moi, je ne me sens pas de poursuivre. Il me demande l'heure. Il me dit qu'il n'a plus de train, si il pars il est à la rue. "C'est bien embarrassant mais je ne vois pas comment on va pouvoir se sortir de là", lui dis-je, en culpabilisant quelque peu. Je me pose la question un trentième de seconde, mais non, je ne me vois pas passer la nuit avec lui. Déjà que dormir avec un mec est tout un problème pour moi, à peine dissipé depuis mon séjour vendéen avec Gaëtan puis mes quelques nuits avec L., non, vraiment, impossible.

Aladin tente encore de m'amadouer, mais je prends un air buté et ne dis plus un mot. Je ne dirais plus rien, pas un son ne sortira de ma bouche. Même pas un "au revoir" en fermant la porte sur lui. Tout ce qui sortirait de ma bouche serait inapproprié, je préfère me taire, me murer dans un silence têtu.

dimanche 23 décembre 2012

Texte d'invité : Décrocher les élastiques, par E.


J'ai proposé à E. dans L'esprit de noël est déjà parmi nous d'écrire un texte que je passerais sur mon blog en texte d'invité.
Offre déclinée à l'époque, mais qu'il a réactivé. Dans un objectif un peu différent de celui proposé.

Je ne peux pas dire que je suis heureuse de le publier. Parce que comme E., moi non plus je ne décroche pas les élastiques. Aucun élastique. Ma vie est peuplée de fantômes, qui tissent dans mon âme et dans mon coeur une toile d'araignée de plus en plus dense. Parce que contrairement à lui, je n'ai jamais renoncé à aimer, même mal, même dans le désert affectif qui fût (est toujours, grâce aux élastiques) le mien.

Mais je n'ai pourtant pas hésité une seconde à le publier. Parce qu'à la lecture du texte et du mail qui l'accompagnait j'ai eu l'impression que jamais E. n'avait été aussi prêt de la sincérité. Même si certains mots, toujours, font penser à un processus qui se voudrait si bien huilé...



Décrocher les élastiques

Quelle vie aurais-je vécu ? Pourrais-je avoir été malheureux ? Non ce n’est pas possible d’être malheureux avec cette vie-là !!
Une vie bien remplie, comme si le plein, n’impliquait pas le creux. Une femme, des enfants un travail valorisant et pas trop mal payé, une maison, des voitures, des vacances au soleil et à la neige et au cœur de tout ça, un manque, un vide qui n’arrive pas à se remplir.

Du développement personnel avec un bon travail sur soi remplira ce vide, c’est certain. Il suffit d’ouvrir son cœur face au thérapeute, d’apprendre les concepts fumeux de la psychologie et le bonheur parfait deviendra palpable. C’est parti… Chaque séance hebdomadaire apporte son lot de souvenirs, tantôt d’une grande insipidité, tantôt d’une tristesse à se jeter dans la seine. Au fil des mois, les pièces du puzzle en vrac au fond de l’âme s'emboitent petit à petit les unes aux autres.

Quelques années plus tard et plusieurs litres de larmes versés, l’image du puzzle commence à apparaître  Malgré ce travail, tel le canard de Robert Lamoureux qui était toujours vivant, le vide intérieur l’est tout autant. D’où vient ce vide ? Que faire pour le combler ?

Serait-ce un manque d’amour qui trouve son point de départ dans la construction originelle de la personnalité ? Ou plutôt une incapacité à satisfaire ce besoin d’amour tant les premières expériences ont été douloureuses. A coup sûr ces deux causes sont bien présentes chez moi. La solution semble tellement simple que le plus novice des lecteurs pourra conclure :

-« Il suffit de suivre celui ou celle qui te donne de l’amour »

Cette idée logique est difficilement envisageable quant au début de la vie, les engagements affectifs se sont tous soldés par des échecs et de la souffrance. L’enfant décide que l’on ne l’y reprendra plus. Ensuite, l’adulte tenaillé par la trouille, trouve toutes les bonnes raisons pour passer à côté de la relation qui pourrait le nourrir. Il garde ainsi au fond de lui ce vide qui le mine et qui finit tôt ou tard par ressortir sous forme compulsive.

Il conviendrait donc de se convaincre que l’histoire doit rester ou elle est, que la réalité d'aujourd’hui n’est pas celle d’hier et de décrocher les élastiques qui font remonter le passé.  

samedi 22 décembre 2012

Sauna : sexe et dépendances - Partie 1


Je ferme donc la parenthèse L., difficilement, comme toutes les parenthèses que je ferme, tant me séparer, même de si frêles relations, me donne toujours l'impression d'un arrachement, et je retourne à mes intentions premières, dont il m'a détourné : le sexe désormais, c'est seulement en club. Lorsque la porte se ferme derrière moi, je repars avec mon comptant de câlins et d'orgasmes, et j'oublie les prénoms (que je demande rarement) et même, je ne suis pas certaine de reconnaître mes partenaires d'une fois sur l'autre. Et surtout, je jette les éventuels numéros de téléphone qu'on aura voulu me glisser dans la main. Au demeurant, certains s'imaginent devoir sortir en même temps que moi, m'attendent. Ils ont tort, dehors je n'ai plus envie d'eux, je n'ai rien à leur dire, certains m'agacent même.

Mais pourquoi diable est-ce que je me sens si bien en ces lieux si peu recommandables, ou le sexe, parait-il, se consomme comme n'importe quel produit. Comme si le couple traditionnel n'était pas seulement un moyen plus commode de se garder sa réserve rien qu'à soit dans son placard.

Voilà une première histoire de sauna. Un premier exemple de ce que j'y trouve. Deux autres sont à venir.

Parfois, le fracas du monde vient me lécher les orteils sur les rivages de ma bulle. Je n'ai pas la télé, je n'écoute pas la radio, je ne lis aucun journal d'informations générales, je ne m'attarde pas sur les titres de l'actualité quand je les croise sur le net.

J'apprends avec retard, et de source détournées, les catastrophes et les agitations, les mots stupides et les évènements incontournables. Cela fait plusieurs années que je vis ainsi, dans un monde plus doux, moins effrayant, pour mon plus grand bonheur. Et je n'ai pas vu que cela change grand chose à la marche du monde, en tout cas personne n'a remarqué la différence je crois, sinon laissez moi un message.

Aux portes du Moon, mon fracas intérieur, parfois, s'arrête. C'est la bulle dans ma bulle, le replis ultime.

Un de ces derniers vendredis, j'y suis allé en fin d'après-midi avec pour ambition d'y rencontrer plutôt des couples. J'avais envie de bouffer de la chatte. Ceux et celles qui connaissent le bonheur d'octroyer un bon cunni me comprennent. Les autres me trouverons vulgaire. Lasser des hommes, et de leur médiocrité (oui, je me la pète !), j'avais envie de femmes.

Pour moi, les couples sont une façon absolument faux-cul de laisser libre court à mes penchants bi. Rencontrer des femmes seules, c'est prendre le risque de la relation suivie, voire de l'amour. Ma vie affective me semble déjà bien compliquée avec les hommes, je crains qu'avec les femmes, cela ne soit pire. Je m'interroge encore sur une raison qui serait moins avouable. A savoir, mon peu d'impatience à assumer au grand jour un amour homosexuel. Pas que j'en sois incapable, mais là, tout de suite, cette année et la suivante, j'ai pas envie de m'y coller. Enfin, peut-être. Faut voir. Justement je ne sais pas, je m'interroge sur ma possible mauvaise foi.

J'étais donc agréablement assise dans le jacuzzi, quand un certain Luigi m'a foncé dessus. Ayant décidé d'être affable, je réponds aux questions d'usage. Je viens de temps en temps (ne pas paraître débutante, ni trop salope), j'aime beaucoup les lieux, et non, aujourd'hui je n'ai rien payé à l'entrée, c'est gratuit pour les femmes. Oui, c'est cher pour ces messieurs, mais (et cela je le pense et ne le dis pas) présenter ainsi le problème me semble mal venu. Cet Italo-étalon, au physique parfait pour qui aime les gravures de mode bien viriles, ne cherchait-il pas à m'informer que mon obole en nature était plus que souhaitée ?

Nous sommes rejoint pas un beaucoup plus discret monsieur, au plumage moins éclatant. Il connait Luigi et profite donc de l'aubaine pour intégrer la conversation à petit pas comptés.
La conversation devient tactile, Luigi sur ma droite, le discret tentant une approche en crabe sur ma gauche. Je sens généralement à la première caresse si les choses vont me plaire ou pas.

Je regarde Luigi, beau comme c'est pas permis, avec un hâle entretenu, des muscles saillants mais pas trop. La bête n'a pas un pet de graisse, et sa peau ne montre aucune paresse, aucune mollesse, malgré ses 44 ans. Mais ses mains me révulsent, son toucher est brutal, j'évite sa bouche qui veut conquérir la mienne. Alors que mon discret a les mains douces, palpantes, délicates, curieuses mais pas empressées. Il s'est glissé tout contre moi, je laisse mon désir du baiser monter et c'est moi qui dépose mes lèvres sur les siennes, avec l'impression délicieuse de lui offrir un merveilleux cadeau : il attendait visiblement cela depuis un moment sans oser.

Luigi s'est apparemment mis en demeure de me foutre les doigts dans la chatte, coûte que coûte  La main plongée dans l'eau, la mine soucieuse, il trifouille, farfouille, sans délicatesse. Je me contorsionne un peu pour lui compliquer la tâche, mais il fini par trouver l'entrée et cherche à s'enfoncer sans ménagement. Je le repousse une fois, deux fois.

Une chose en entraînant une autre, ils sont désormais quatre à me caresser. A Luigi et mon discret, se sont rajoutés un gars aux allures de D'Artagnan, et un géant rondouillard. C'est vrai que le vendredi c'est le journée plurimasculine. Il y a plus d'hommes seuls acceptés à l'entrée. Je ne peux m'empêcher de saluer cette initiative intéressante.

Mais Luigi poursuis son but unique. Je fini par dire suffisamment fort pour que les trois autres mecs comprennent que quelque chose ne va pas : « monsieur Luigi a apparemment une idée fixe ! », puis en me penchant un peu vers lui, je continue : « avec moi la manière forte ne marche pas. » Malheureusement, après un sourire crispé, il reprend ses investigations inappropriées. Je le repousse de façon bien visible. Le discret, D'Artagnan et l'ourson, s'agitent un peu, faisant front contre l'impudent qui risque de leur pourrir leur plan. Luigi file sans demander son reste.

Je passe un long moment encore dans le jacuzzi avec mes trois prétendants. Ils me bercent dans l'eau. Me caressent à six mains. C'est doux. Blottie dans le refuge de leurs bras, je ferme les yeux. Parfois un intrus se glisse, me touche, me palpe. Mes trois chevalier servants, qui ont compris ce qui me fait du bien, ce que je veux, font la police. Dès que l'intrus est trop insistant, trop intrusif, le cercle se referme, et il est expulsé. J'ouvre quelques fois les yeux pour voir un insistant se faire virer manu-militari. Les trois hommes veillent jalousement sur moi, sur mon bien-être, et surement aussi sur leurs chances de me sauter.
Je laisse flotter mon corps, sous la direction avisée des trois hommes. Mes membres, bassinés par les caresses et les mouvements de l'eau, frôlent leurs corps. Mes mains s'attardent sur les peaux, saisissent les sexes.

A mon invitation, notre quatuor quitte le jacuzzi pour le hammam. Je m'assied, avec à ma gauche le discret, à ma droite l'ourson et entre mes jambes D'Artagnan. Il a foncé sur ma chatte dès qu'il a pu. Je ne me suis pas faite prier et ai largement ouvert les cuisses. Pendant que le mousquetaire aspire goulûment mon sexe et lape mon clitoris, les deux autres me caressent, et tètent mes seins. Les doigts du discret se rajoutent à la langue de D'Artagnan. Il a des gestes doux et précis. Je ne tarde pas à remplir le hammam d'un ululement de jouissance. D'Artagnan poursuit de plus belle, il fourre sa langue dans mon con, voulant boire tout mon jus. Le discret se masturbe debout à coté de moi. Je passe la main sous ses couilles mais j'ai à peine le temps de les saisir doucement : il éjacule à longs traits sur mes seins. Tout à coup la chaleur et l'humidité me sont insupportables, et je dois arrêter D'Artagnan qui, toujours à genoux entre mes cuisses, continue de me bouffer la chatte comme si sa vie en dépendait.

Plus tard, après une pause au bar, l'ourson est parti, le discret aussi, et c'est avec Dartagnan que se poursuivent les hostilités, à nouveau dans le jacuzzi. 

Un beau jeune homme, à peine la trentaine, s'impose près de nous. Il me dit quelques mots, n'a pas un regard pour Dartagnan, et m’attrape la main pour l'attirer sur son sexe. Je retire ma main. Il me caresse vaguement les seins, puis reprend ma main plus fermement pour la diriger sur sa queue. Je bondis, retire ma main brutalement et fais au gars, sur un ton sans appel : "j'ai bien compris ce que tu veux, mais c'est moi qui décide, c'est quand je veux, si je veux". Le beau mec file sans un mot.

Un monsieur qui ressemble à Lino Ventura, très latino, très viril, très brun et plus de prime jeunesse, nous rejoint. Dartagnan m'a prise dans ses bras, il est dans mon dos, je fais face à Ventura, qui commence par me masser les pieds. Ses mains remontent le long de mes jambes, puis de mes cuisses. Mes mains taquines sont allées trouver le petit trou de Dartagnan, et je l'entend me couiner dans les oreilles. Petit à petit, toujours me massant et me caressant, Ventura remonte entre mes jambes et bientôt sa tête est au niveau de mes seins. Il s'y enfouit. Je lui caresse alors doucement les cheveux, les tempes, le visage. Lui masse le cou. Je suis lovée dans les bras de Dartagnan qui me câline, et je câline Ventura qui souffle de plaisir et me lance des regards éperdus.









lundi 17 décembre 2012

Texte d'invité : ma première expérience bi, par M.

Je vous présente aujourd'hui le texte de M. qui nous raconte son entrée chaude, excitante, dans le monde de la bisexualité.
Ah ! M. ! Enfin, je ne te dis rien, tu sais déjà tout ce que j'ai envie de te te dire, et de te faire ;)

En ce qui me concerne, c'est plus une envie charnelle, un désir de mélanger les corps et les plaisirs sans distinction de sexe qui m'a toujours fait fantasmer... 
Un homme ne m'attire pas spécialement physiquement, et encore moins seul, mais le partager avec une femme est quelque chose que j'apprécie énormément ! 
C'est venu absolument par hasard lors de mon premier trio... 

Puis j'ai eu une ex très libérée sexuellement qui m'a fait goûter aux joies des plaisirs de l'anal. Une véritable "révélation" qui m'a permis de me "libérer" et d'aborder ma sexualité différemment, en m'ouvrant à de nouveaux plaisirs, de nouveaux jeux, de nouveaux fantasmes que j'ai eu la chance de pouvoir assouvir et réaliser par la suite. J'ai repoussé mes limites, en déplaçant la barrière de l'hétérosexualité...avec des couples ou des personnes du 3eme sexe ! J'ai découvert que je pouvais aimer prendre du plaisir avec des partenaires des deux sexes de manière active et passive, mais ce que j'aime surtout c'est les mélanger : les combinaisons que cela autorise sont tout simplement... divines !


Lors de mon premier trio, avec ce couple dont l'homme était bi, tout s'est passé en douceur. 

J'ai été reçu chez eux. Ce couple d'un certain âge, eux : 55 ans, voulait fêter l'anniversaire de Madame en s'offrant une soirée à trois avec un homme plus jeune, moi : 20 ans. Ils m'ont fait passer au salon, nous avons pris un verre, discuté, fumé une cigarette... 

Puis Madame, qui menait la danse, a entamé un petit effeuillage... Elle portait une robe de soirée qui a glissé le long de ses hanches, pour dévoiler un magnifique ensemble en dentelle noire composé d'un soutien gorge, d'un string et d'un porte jarretelles assorti... Des bas noirs et des talons complétait cette superbe tenue très classe et très sexy...
Elle s'est donc dévêtue, pour rester en sous-vêtements, puis elle a entrepris de nous déshabiller, nous les deux hommes à sa disposition, mêlant baisers, caresses, tout en douceur, enlevant nos vêtements... Je me suis retrouvé assis sur le canapé, avec une grosse bosse qui déformait mon caleçon...qu'elle a ensuite enlevé... 

Là, nous prenant par le sexe, elle nous a emmené dans la chambre. Sur le lit, les caresses se sont faites plus précises et plus osées... Elle nous a pris chacun notre tour dans sa bouche... Nous nous sommes aussi occupé d'elle, l'un caressant et embrassant sa poitrine pendant que l'autre la léchait plus bas... Nous avons multiplié les 69 et autres préliminaires très agréables à trois, mais toujours entre homme et femme, et jamais entre hommes... Son homme l'a ensuite prise en levrette pendant qu'elle me prenait en bouche... C'était très excitant de la voir bouger, son homme derrière elle, et me sucer en même temps. Ses mains se sont baladés sur mes testicules...puis plus bas... sa langue et venir rejoindre ses doigts, puis elle a repris mon sexe en bouche en me pénétrant légèrement et doucement avec un puis deux doigts... j'étais au bord de l'explosion !


C'est à ce moment là que nous avons échangé nos positions : j'ai mis un préservatif et l'ai pénétrée, moi allongé sur le dos, elle au dessus... Elle montait et descendait sur mon sexe, et suçait son mari en même temps...Là encore quel plaisir d'être acteur et voyeur !! 

Et c'est là où les choses ont pris une tournure inattendue pour moi : elle même temps qu'elle le suçait, elle a doucement entamé une descente... toujours empalée sur mon sexe, j'ai vu sa tête s'approcher de plus en plus près de la mienne... Elle continuait à caresser et à lécher son mari qui lui aussi descendait, agenouillé juste à côté de nous, tout près de ma tête... Elle a alors passé sa main derrière ma tête, et m'a attiré à elle tout doucement, toujours en descendant... Sans que j'ai réellement le temps de m'en rendre compte, le sexe de son mari était à 1 ou 2 cm à peine de ma bouche : je voyais ce membre dressé fièrement, dur, luisant de salive, qu'elle embrassait, léchait et caressait avec fougue et envie... elle me regardait droit dans les yeux... le temps semblait figé... et elle s'est approchée un peu plus... je sentais les effluves de plaisir de cette queue qui quelques minutes auparavant était en elle, et qui se trouvait juste devant moi... elle semblait toute chaude, toute douce... Elle a continué à me regarder avec envie et elle a pressé légèrement derrière ma nuque... j'ai franchi le tout petit chemin qu'il me restait à parcourir et j'ai posé mes lèvres sur ce sexe dur, en la regardant, mes yeux brillants de désir... elle avait su m'en donner envie... me montrer à quel point ça avait l'air bon, doux, chaud, excitant... j'avais envie de partager cette queue avec elle, de la lécher, de la prendre dans ma bouche, de la sentir vibrer de désir et de lui donner tout le plaisir possible...


J'ai donc sauté le pas, nous nous sommes embrassés, mêlant nos langues, et ce sexe, le ballet incessant de nos bouches sur cette queue était tout simplement divin... et surtout nous ne nous sommes pas lâchés du regard, rendant tout cela encore plus excitant, intime et intense... J'avais franchi la limite que je n'avais même pas envisagé découvrir : je suçais un homme... et j'aimais ça... je ne me sentais pas honteux, au contraire, j'étais excité comme jamais... je me sentais "soumis" au désir de cette femme, qui tout en douceur et en souplesse avait pris l'ascendant sur la situation et ma personne... je me sentais presque "femme" en accomplissant ces caresses... et surtout j'adorais ça... j'ai failli en jouir...


Puis elle s'est allongée, prise par son mari, pendant qu'elle s'occupait de moi avec ses mains à côté.... il a joui en elle, elle s'est raidie de plaisir... une fois leur orgasme passé, elle a continué à me caresser et à me lécher... me suppliant de jouir sur elle... il ne m'en fallait pas plus pour sentir le plaisir monter : un doigt inquisiteur est venu fouiller mon fondement, et dans un orgasme électrisant j'ai joui à longues et chaudes giclées sur sa poitrine et son visage... elle s'est caressée les seins maculés de mon sperme, à recueilli les dernières gouttes qui sortaient de mon sexe et les a portées à sa bouche... avant de m'embrasser, fougueusement, une légère coulée de mon sperme coulant au coin de sa bouche... Goûter le propre fruit de mon plaisir a été là aussi une découverte très excitante...


Une fois tous calmés, nous sommes repartis nus au salon, discutant, rigolant, et après une courte pause cigarette nous sommes repartis de plus belle... mais c'est une autre histoire !


J'ai par la suite rencontré d'autres personnes, et d'autres plaisirs, mais voilà comment s'est déroulée ma "première fois" !

M.

samedi 15 décembre 2012

Atelier d'écriture : Les mélanges, c'est pas bon !

Ce matin, atelier d'écriture. Thème du jour : dire les sentiments. La consigne est d'écrire deux textes, l'un traitant d'un sentiment positif, l'autre d'un sentiment négatif. Et pour ceux qui se le sentent, un seul texte traitant des deux.

C'est toujours pareil : elle a du mal à démêler les choses.

A tout prendre, elle est plutôt soulagée que cette histoire ait capoté. C'est lui qui a officiellement sifflé la fin de partie, sur un coup de tête, un mouvement d'humeur.
Mais elle s'est trouvée bien aise de sauter sur l'occasion, alors qu'elle même n'avait plus envie de le voir depuis la dernière embardée de leur histoire, dernière d'une liste déjà trop longue à son goût.

Elle repense à son agacement quand il s'était présenté à leur premier rendez-vous en tête à tête. Pourquoi diable éprouvait-il le besoin de se transformer en adolescent pataud et fan de Marvel à passé 35 ans ?  Elle l'avait à peine reconnu.

Mais son allure, et son agacement, s'étaient effacés devant le plaisir de la conversation qu'il avait brillante, et devant ses yeux pétillants et attentifs.

Et cette fois où elle l'avait rejoint au restaurant et où il s'était montré d'un insupportable infantilisme, lui pourrissant la soirée.

Et tout ce qu'il avait le don de lui balancer en travers de la figure sans ménagement, avec cet air de petit garçon paumé, mélange de cruauté et d'angélisme qui la laissait dans le plus grand désarrois.

Non, vraiment, cette rupture, c'est une excellente nouvelle.

Et pourtant, elle ne peut nier les regrets qui l'envahissent.

Cette histoire, si elle se souvient bien, elle y a cru. Autour d'elle, on saluait l'arrivée de cet homme qui semblait lui convenir si bien. Dans les bons moments. Surtout au début, en somme.

Alors, elle ne pleure pas. Elle a pleuré avant, quand il lui reprochait son empressement, qu'il prenait tout à coup ses distances, l'accusant de vouloir lui forcer la main. Forcer la main à quoi ? Et comment ça ? Mystère.

Et elle s'agace au souvenir de ses "ma chérie" et autre "mon amour" qui lui semblaient bien prématurés pour le coup, mais qui, en même temps, lui entrouvraient la porte de ce qu'elle n'avait pas connu depuis si longtemps. Porte qu'il s'empressait de refermer régulièrement, avant de la rouvrir peu après.

Elle se rappelle avec tendresse de tout ces regards échangés qui effaçaient le monde et arrêtaient le temps.

Elle cherche à sentir à nouveaux ses mains et ses lèvres chaudes, et son poids sur elle, et le désir revient.

Mais que retenir de ces longues heures, et même de ces nuits et de ces jours passés avec lui, finalement ? Sinon qu'il rejetait en bloc son interprétation : ma chérie, tu te fais des films. Mon amour, je ne t'aime pas et tu m'étouffes.

Démêler tout cela, vraiment, elle le voudrait.
Mettre le bon dans la colonne "plus", le mauvais dans la colonne "moins", et tirer un trait bien net en diagonal sur le tout.
Mais tout est si mélangé.




lundi 10 décembre 2012

Femmes puissantes


A. et L. porte le même prénom. Le prénom de mon grand-père maternel.

Quand mon grand-père est mort, il y a plus de quinze ans déjà, je n'ai ressenti aucune peine, seulement beaucoup de colère et beaucoup de mépris. Il faut dire que je l'ai toujours connu bourré. Lorsque nous étions en vacances chez mes grand-parents, il en était déjà à son troisième ou quatrième verre de rouge quatre étoiles quand ma sœur et moi nous levions. Ma mère disait de lui que c'était un gentil. Un gentil qui sortait la carabine pour tirer sur ma grand-mère.

Mais si je le méprisais tant lors de son enterrement, c'était parce que je le trouvais bien lâche de se barrer ainsi. « T'inquiète pas, lui disais-je part devers moi, on fera bien sans toi, on a toujours fait sans toi, casse toi pauvre con ». Je n'ai pas pleuré, je n'ai ressenti aucune tristesse, à tel point que je ne comprenais pas celle des autres. Je trouvais que la cérémonie et tout le bazar autour de tout ca était indécent. J'avais envie de hurler : « mais c'est une ordure qui crève ! Qu'est-ce que vous faites, là, à pleurer comme des veaux ? » Pour autant, je comprenais mal ma hargne. Mon grand-père était certes resté un inconnu pour moi, il était certes d'une violence inouïe avec ma grand-mère, mais à moi il ne m'avait jamais fait de mal.

Je suis tombée enceinte trois ou quatre semaines plus tard, d'un malencontreux oubli de capote, d'un type rencontré quinze jours auparavant.
Quand j'ai avorté, j'ai eu la sensation de tuer mon grand-père. Il mourrait une deuxième fois. Et de ses limbes, le fœtus-grand-père m'adressait les pires anathèmes. Réfugiée au fond de mon lit et de ma dépression, mes nuits sans sommeil étaient hantées par ce fantôme double. Mon grand-père ne m'a jamais autant occupé que depuis cette étrange place de fœtus mort. Je voyais sa tête au dessus d'un entortillement de linge figurant un cocon bien net, sans bras ni jambe.

Le fait est que je suis issue de deux familles dans lesquels les hommes brillent par leur absence. Deux familles de femmes. Alcoolisme, suicides, divorces, départ pour l'étranger, morts prématurées, folie les menant à l'asile, paternité déniée, ils se sont tous défilés. Deux familles de femmes laissées à leur toute puissance, à leur voracité, à leur solitude aussi.

Ma mère m'a dévorée. Dépecée.

E. fut le premier de la série « hommes en couple ». A l'époque, et jusqu'à cette nuit, je ne comprenais pas bien ce que cette histoire de relation adultère venait faire dans mon paysage. Moi qui ne croyais pas plus que cela au mariage, je voyais mal pourquoi ce genre de drame boulevardier existait encore au 21ème siècle. Pourtant, cette pantalonnade, j'en étais partie prenante.

Bien sûr, j'avais repéré quelques bénéfices secondaires. Les hommes en couple, c'est déjà engagé ailleurs, je ne risquais rien à les aimer, même à la folie : ils n'entreraient jamais vraiment dans mon intimité, ils ne me connaitraient jamais vraiment.

Mais quelque chose clochait. Quelque chose de supplémentaire se jouait au niveau du trio que je formais avec le couple, quelque chose autour du couple parental. Mais quoi ? Je cherchais ce que je re-jouais là de ma relation au couple de mes parents. Sans trouver.

Cela me semblait d'autant plus troublant que je n'avais jamais cherché à piquer papa à maman. Ma mère, d'une vigilance totale, et ayant décidé, pour des raisons inavouables, que mon père était incestueux, veillait à cela. En me culpabilisant au besoin si par malheur je semblais trop proche de mon père. Ce qui n'arriva jamais, maman, promis, juré, craché par terre, tant c'était toi que j'aimais à la folie, tant c'était ton amour que je voulais. Je savais donc que je ne re-jouais pas oedipe avec les couples de mes amants. Puisque d'oedipe il n'y avait pas eu. Cette évidence me semblait pourtant impossible, oedipe étant universel, tout le monde sait cela. Je tournais autour de ça comme un lion en cage.

Mais il est des cas où, justement, l'oedipe est empêché. J'ai découvert ça par mes lectures, en cherchant à comprendre mon sentiment récurent d'envahissement par l'autre. Parfois, l'autre occupe tellement mon psychisme que je suis envahie, dépossédée de moi, colonisée. Et donc, ce sentiment d'envahissement est courant lorsque l'oedipe a été empêché et n'a pas eu lieu, assez régulièrement à cause d'une mère fusionnelle et vorace et d'un père aux abonnés absents. Dans une sorte de jeux des chaises musicales, l'enfant est mis à une place qui n'est pas la sienne, laissée vacante par les adultes, il joue un rôle qui n'est pas le sien, il perd du même coup sa vraie place et lui-même, car il est réduit à être une personne de substitution utilisée pour les besoins de son parent.

Hier j'ai « rompu » avec L. Et ce matin, à partir de quelques évidences qui me sont venues au réveil, j'ai dévidé la pelote. Je vous fais grâce du détail des étapes, je suis passée par la double contrainte dans laquelle m'avait placé L., qui ressemblait cruellement au fonctionnement de ma mère, par le rôle spécifique de A., qui me fait immanquablement penser à mon père dans sa façon d'éviter la communication, leur prénom commun, et leur arrivée chronologique, qui les regroupaient étrangement sous la bannière de mon grand-père, A. étant en couple, L. non., mais qui avait voulu me mettre encore et toujours, m'avait fait remarquer G., à la place de seconde, de tierce personne dans son trio avec la copine de Villeàlacon, mais là, je n'avais pas sauté dans le panneau. Et par une sorte de précipitation mentale, la lumière s'est faite : avec mes hommes en couple je n'avais pas re-joué un oedipe, je l'avais joué tout court. Et il n'était à cet égard pas indifférent que j'ai toujours eu l'impression de ne pas être de la génération de E.

Jusqu'à trouver G., qui a tenu le rôle à merveille. Avec une belle régularité, et une belle constance, il m'a assuré que, non, il ne quitterait pas maman sa femme, mais avec la même régularité il m'a assuré de son amour. Un amour différent, pas le même que celui qu'il porte à maman sa femme.

En refusant clairement le trio de L., je n'ai finalement que dis haut et fort où je voulais me situer. J'ai pris ma vraie place, d'autorité. Je n'ai rien à demander, la place, ma place, ma vraie place, personne ne me la fera jamais si je la demande poliment ou si je l'attends. J'ai attendu 45 ans pour qu'on me donne ma place, qu'on me laisse l'espace pour vivre, sans qu'on me donne jamais rien. Et si on n'est pas décidé à me laisser m'installer, comme L., je vais voir ailleurs, mais plus jamais je ne me terrerai dans un tout petit bout du territoire d'une autre.

Ce matin, dans le métro, j'ai réalisé qu'une boucle était bouclée. Lorsque je suis arrivée chez ma psy il y a plus de trois ans, la première chose que je lui ai dite c'est : « je ne sais pas où est ma place, je ne suis à ma place nulle part ».

Après noël avant l'heure, voilà l'épiphanie avancée.

vendredi 7 décembre 2012

Le père noël est vraiment une ordure


« Votre partenaire vous comble de tendresse... Wahouu... ». Derrière moi un trentenaire lit l'horoscope à deux autres hommes du même age. Cela me fait sourire de voir ces trois types commenter les prévisions astrales pour le mois à venir dans le métro, en ce matin froid et vaguement neigeux.

Pourtant, ce mois de décembre ne me met pas particulièrement en joie.

« Je sais que tu n'aimes pas que je te dise ça mais... Allez, je le dis :  tu me manques » m'a dit G. hier soir au téléphone.
Je réalise que je ne parle plus de G., ici et ailleurs. Que petit à petit je jette un voile pudique sur certains éléments de ma vie. Pour ménager les susceptibilités. Oh ! Bien sûr, personne ne m'a rien dit, rien demandé, mais je ménage L. Quand il n'y a peut-être rien à ménager.
Alors je n'ai pas parlé de G., et de la journée que nous avons passé ensemble à Orléans il y a quelques semaines.
Je n'ai pas parlé de l'immense peine que je ressens pour lui, parce qu'il est en train de perdre son papa, qui s'éteint depuis des semaines, comme une bougie arrivée en bout de mèche. Une bougie qui surement ne brillera plus en 2013.
Je n'ai pas parlé non plus de l'agacement qui se mélange à tout ça, quand il n'arrive pas à me joindre depuis des jours, m'appelant ou me textotant à des moments improbables pour moi. S'il ne se sentait pas si tenu par sa vie de couple, il arriverait à me téléphoner à des heures plus propices ! Alors, hier soir, il à fait des heures sup pour justifier sa sortie tardive du boulot, pour pouvoir m'appeler sur le chemin du retour.
Son piège se referme. Sa femme a décidé de façon unilatérale de ne pas travailler ce mois-ci, pour « être là », pour « aider en ces moments difficiles ». Et G. n'a rien dit, il n'a pas dit que ca ne lui semblait pas une si bonne idée. Et désormais il étouffe encore un peu plus sous la sollicitude et la présence de sa femme. Collés serrés. Il ne peut même plus profiter des rares moments de liberté que lui procuraient les horaires décalés de sa femme. Elle est là, avec sa compassion encombrante, comme un mur.

« Je t'ai peut-être bien trouvé une chatte à lécher ». Hier soir, la conversation avec L. avait plutôt bien débutée. Je cherchais à savoir qui était cette fille. Il la connait depuis plusieurs années, m'expliqua-t-il, c'est d'ailleurs chez elle qu'il a passé un week-end dernièrement, à Villeàlacon. Moi qui m'étais bien gardé de poser des questions sur ce week-end, pensant connaître les réponses, mais préférant prudemment garder un peu de mystère, tant il est vrai qu'il y a une grande différence entre savoir et ne pas ignorer, et pensant qu'il était de toute façon prématuré pour traiter le problème de « avec qui peut-on coucher, et dans quelles circonstances, et qu'est-ce qu'on se raconte », si tant est que ce moment viendrait un jour, j'étais servi. Pensais-je. Mais j'étais bien sûr loin du compte.

Tâtant le terrain, je demandais à L. comment il imaginait les choses. C'était tout simple, nous nous retrouverions chez lui pour un thé, et on voyait pour la suite. Le terrain ne me semblait ni neutre, ni engageant. Voulant bien cerner les conditions de la partie de pattes en l'air, et commençant à sentir les contours de l'entourloupe, je fis remarquer que tant de kilomètres pour boire un thé, ça allait lui faire long à la dame. Mais non, elle serait là pour les fêtes. Là ? A Paris ou chez lui ? Chez lui.

L'idée était donc que je me pointe chez lui, que je les trouve tous les deux au nid roucoulant de concert, ayant déjà baisé tout leur saoul depuis la veille ou depuis des jours, que je joue donc le rôle du troisième larron, vidant les lieux après usage, les laissant mariner dans leur phéromones pendant que je reprendrais le métro pour m'en retourner dans mon studio.

Alors qu'il me disait combien cette perspective de trio l'enchantait (et je notai alors qu'il était capable d'enthousiasme, contrairement à toutes ces fois où ses réponses évasives et ambigües pouvait raisonnablement m'en laisser douter), je prévins L. que j'allais être honnête : l'idée d'arriver chez lui en ayant l'impression d'arriver chez un couple, genre elle est installé là pour les vacances, ca ne me disait absolument rien. Et je me voyais encore moins repartir après le thé si elle ne me plaisait pas, en les laissant tous les deux.

Comme il insistait, me demandant si une autre formule pourrait me satisfaire, je lui disais sans ambages que cette formule là, en tout les cas, me débectait. Je pensais que le mot était assez fort pour qu'il cesse immédiatement de remuer le couteau dans la plaie béante. Être débecté, putain, c'est pas clair ?

« Et en club » me fit-il ?

Alors, je me vis arriver au club, lui payant l'entrée couple avec sa copine. Et puis à la sortie, eux prenant le métro en sens inverse pendant que je me rentrerais toute seule dans le 19eme. Comment pouvait-il imaginer que c'était différent du plan précédent ?
Alors, je reformulai : « je n'ai pas envie de me voir comme la troisième, qui voit le petit couple se barrer chez lui après avoir baisé. Pas avec toi. Alors ta copine de Villeàlacon qui vient chez toi pendant les fêtes, c'est pas le bon plan ».

Sa réponse fût courte : ok.

Et c'est tout.

Rien de plus.

Pourtant j'ai attendu quelque minutes, estomaquée que j'étais. Je crois même que j'ai pris le temps d'aller pleurer un coup dans mon lit. Car, en même temps que je réalisais que j'avais (mais c'est tellement habituel) beaucoup plus investi dans la relation que L., et que cela nécessitait une sacrée remise en cause de mon fonctionnement avec lui, il m'est également devenu évident que j'avais misé sur les vacances de fin d'année pour le voir plus, et faire tout un tas de choses avec lui. La copine de Villeàlacon m'avait coiffée sur le poteau. Le temps que j'avais envie de passer avec lui, ce serait elle qui en profiterait.

Décidément, je n'aime pas les fêtes de fin d'années.

Père Lachaise, cimetière de toutes les espérances, c'est là que je descends. 

samedi 1 décembre 2012

La modification : testament

Tous les samedis matin, je me lève dès potron minet (enfin, vers 7h30) pour me rendre dans le 18ème, à un atelier d'écriture. Manie ancienne, je hante les ateliers d'écriture depuis de nombreuses années.

Mon actualité récente (que dis-je, brûlante), alliée à ma longue pratique des hommes en couple, m'a certainement inspiré le texte du jour.

La consigne, pourtant, n'avait pas l'air de penser à mal. Il s'agissait d'écrire un testament littéraire. Par exemple, Catherine Cusset a écrit le testament d'Anna Karénine, et je ne sais plus qui celui de Zazie (de Zazie dans le métro, pas Zazie la chanteuse).

Voilà ma production.



Vous ne vous souvenez plus de mon nom, ni peut-être de celui de mon auteur.

Vous, c'était moi alors. Lorsque vous avez lu La modification, vous étiez bien mal assis dans un certain train Paris-Rome. Vous ne pouviez vous empêcher de vous agiter sur la banquette en vous disant : "Mais quel pauvre type ! Si "Vous" c'était vraiment moi, ça serait vite fait, vite décidé. Paris ou Rome ? Pour moi ce serait Rome !"

Mais, reprenant votre lecture, interpellé sans cesse par ce "vous", vous étiez sommé de rester assis là, dans ce train, à subir les hésitations de "vous", ballotté au rythme des rails, pas complètement "vous" et pourtant...

Mais je me dois de reprendre la main, et le "je". Un testament, on l'écrit à la première personne du singulier.

J'ai vécu comme un con, et je meurs de même. Dans ce train entre Paris et Rome, finalement, j'y suis resté. J'ai hésité toute ma vie entre mes désirs flous et contradictoires. Jamais aucun ne s'est affermi suffisamment pour me permettre de choisir. Alors j'ai vécu une vie prête à l'emploi.
Anti-héros j'étais, anti-héros je meurs. Qu'ai-je à léguer, moi qui me suis si peu appartenu, moi qui n'ai vécu qu'à moitié. Non, même pas à moitié, puisque je n'ai vécu qu'un entre deux.

J'ai bien accumulé quelques biens et quelque argent dans cette vie que je n'ai pas choisie, dans cette vie tracée d'avance par d'autres et qui ne me demande pas d'effort. Une maison, un travail, une femme, des enfants, un plan retraite.... Et puis le souvenir de quelques maîtresses, car après celle de Rome il y en eu quelques autres.

L'argent, le matériel, les vivants savent quoi en faire. Les lois concernant l'héritage règlent tout cela. Je n'ai rien à rajouter.
Non, si vraiment j'avais quelque chose à léguer, ce serait ces souvenirs, ces éclairs de joie trop vite étouffés, ces souvenirs qui, eux, m'appartiennent vraiment, et seulement à moi, car je ne les ai dit à personne
Ce que j'ai de plus précieux, c'est cette autre vie qui m'appelait et que je n'ai pas choisi, c'est cette vraie vie que je n'ai vécu que par tout petits bouts, c'est ces femmes qui ont cru en moi pour leur plus grande déception. A Rome, on m'attend toujours. Ou plutôt, on ne m'attend plus depuis longtemps.

Mais, à qui léguer ces souvenirs d'une vie qui a trop peu eu lieu, cette plus belle part de moi-même ?






mercredi 28 novembre 2012

L'esprit de Noël est déjà parmi nous

Je déteste Noël. 

Chaque année cette fête familiale et consumériste (déjà deux bonnes raisons pour me la faire détester) me ravie la vedette : mon anniversaire le 23 décembre est toujours passé inaperçu, ca fait chier de se taper la cloche la veille du réveillon, et on a plus ni un rond ni l'envie de me faire un cadeau. 

Mais joie, félicité, bonheur nirvanesque, il est des cadeaux qui arrivent plus tôt, et qui ne coûte pas un rond.

J'étais tranquillement à l'expo "Bêtes de sexe" au palais de la découverte, devant un panneau titré "Et la monogamie ?" (le titre exact, je l'ai oublié, mais c'était le thème. Où on apprend que, théoriquement, certains animaux sont monogames mais que l'infidélité est monnaie courante même avec cette combinaison), j'étais donc en train de lire que nombre d'animaux monogames choisissaient une "épouse" pour ses qualités maternelle et une "maîtresse" pour la qualité de ses gamètes, quand mon téléphone vibra. C'était un mail me signifiant un message sur mon blog. Le temps que je finisse l'expo, il y en avait un deuxième et dans le métro j'en consultais un troisième. Tous de E.

Pour les curieux, c'est ici, et encore là.

J'y lis, sans trop besoin de traducteur, que je vois les choses à ma manière (et donc vraiment particulière, pour ne pas dire tordue) et que ma sincérité pourrait être questionnée. Ma foi... C'est bien possible, après tout, mais cette vision particulière des choses m'a permis mieux qu'une autre de me sortir d'une relation perverse et destructrice. C'est à peu près la seule chose qui compte à mes yeux. Chacun a sa vérité, la mienne m'aide à vivre au lieu de me pourrir l'existence. Je préfère encore continuer à me tromper.

Mais, je suis bonne fille, si E. veut faire entreprise de reconstruction de son image mise à mal (car, à quoi rime donc ce harcèlement sinon ?), il a porte ouverte ici. Qu'il m’envoie donc un beau texte à ma gloire et je le passerai en texte d'invité.

Mais qu'il ne compte pas sur moi pour pleurer sur le "pauvre E.", pour reprendre ses termes. Des larmes, j'en ai tant versé sur notre relation que j'ai désormais l'oeil sec en ce domaine, et que je garde ma pitié pour moi.

E., quand tu veux. Mais n'oublie pas l'esprit de Noël.


samedi 3 novembre 2012

Partout des signes

Le problème, dans cette marée de signes et de bruits que constitue l'univers, c'est de trouver sa route dans ce foisonnement souvent insupportable.

Ce regard, qui ne ressemble pas au précédent, veut-il dire quelque chose d'important ? Ce mot qui tout à coup raisonne étrangement à mes oreilles, faut-il le laisser passer ou bien aller voir derrière ? Et si je m'arrête à ce regard, à ce mot, combien d'autres passeront pendant ce temps, combien d'autres signes viendront s'entrechoquer pour me faire perdre pied ?

Cette sensation subite de panique, justifié par rien de concret, de tangible, est-elle significative d'une intuition qui peut me sauver, ou bien n'est-elle qu'une émotion passée, rappelé par un détail insignifiant, un bruit, une odeur ? Et cette sensation de bien-être, est-elle uniquement sécrétée par mon corps, ma capacité à la sérénité, ou bien cet être qui est à coté de moi y est-il pour quelque chose ? Et dans quelle mesure ?

Et si le lendemain de ma première nuit avec L., le printemps était de retour en plein mois d'octobre, avec des températures estivales, et un soleil à faire aimer la vie, 
Et si le lendemain de ma deuxième nuit avec L., la fin du monde était là, avec un vent qui mâchait les arbres, une pluie à fendre l'âme, un ciel aux circonvolutions cauchemardesques, et même la grêle,
Sont-ce des signes ? Ou juste un hasard météorologique et poétique ?

Et sur tout ca, la vie va trop vite. Je n'ai pas le temps de savoir, de miser clairement sur un signe ou sur un autre. Et alors ce n'est qu'après que je me dis : mais tu savais, bon sang ! Tu savais ! 

Mais même quand je sais, sans ambiguïté, cela ne m'aide pas toujours. Parce que ca déborde de partout. Parce qu'il faudrait encore pondérer le tout, il faudrait donner le juste poids aux choses, aux signes.

Je connais par coeur l'incapacité à dire "non". Je sais que plus l'autre est important moins il est facile de le dire. Je sais intimement que plus l'autre nous touche plus on se saborde. Enfin, quand on est du genre à se saborder, quand on est du genre à rechercher désespérément ce que l'on fuit.

Mais ce fond qui m'attire, ce gouffre sous mes pieds, est-ce l'accablement de perdre quelque chose d'important, est-ce le futur hypothéqué ? Mais alors, n'est-elle pas sur-joué, ma misère ? Car, l'importance que je donne à ce hoquet, ce "non" impossible qui n'est pas même le mien, n'est-elle pas sans commune mesure avec la gravité de l'évènement ?

Ou est-ce une détresse ancienne qui s'éveille pour exploser, enfin s'évacuer, comme un volcan longtemps assoupi ?

Pourquoi ce simple mot "forcer" m'apocalypse ? Ce mot qui est le mien, ma traduction de ce que m'a confié L., car ce mot, lui-même ne l'a pas prononcé, autant que je me souvienne (ou cette amnésie éventuelle serait-elle aussi un signe ?) Qui, un jour, s'est "forcé" ? Qui, un jour, à été "forcé" ?

Tout ce que je sais, de moi, de l'autre, du monde, ne m'empêche pas de regarder se dérouler les choses sans trouver le frein à main.

Sentir, penser, classer. Quel enfer !

vendredi 2 novembre 2012

Prends ça, c'est franco de port

Cette après-midi, j'ai fait la queue plus d'une heure trente au musée des arts et métiers pour aller voir une exposition sur les robots. 
Tranquillement installée à la queue le leu, de la musique dans les oreilles, un bouquin en main, tout était dans le meilleur des mondes (celui d'Huxley, surement), surtout que j'avais décidé de me faire la totale : expo et salon de thé.



Mais, en sourdine, il y avait un évènement de la veille. Et de temps en temps, la toile de fond prenait le pas sur le motif. Mes yeux perdaient le fil, mon esprit ressassait. Et j'en étais a repasser le film, à me demander : "et quand il t'as relever ta jupe, dans l’ascenseur, pour voir si tu portais une culotte, se forçait-il ? En fait, il a fallut que tu insistes sur cette histoire de culotte pour qu'il daigne aller vérifier. Alors que tu sentais une onde de désir monter entre tes jambes, électriser ton ventre, contracter ton vagin, en sentant l'étoffe de ta jupe remonter centimètre après centimètre, puis ses mains venir te tâter, était-il juste ennuyé ou carrément dégoûté ?", "et quand il s'est jeté sur le lit pour te bouffer la chatte, se forçait-il ?"

J'avais les yeux qui picotaient encore de la veille, ce qui me mettait déjà en rage, et je n'avais pas l'intention de ressembler à un panda en visite au musée. J'arrivais à ne pas pleurer, mais les images de la veille et de la soirée de l'avant veille me pilonnaient le cerveau. Et alors un millier de chevaux ont débarqués dans mon ventre, broyant mes viscères. Non, pas question de vomir là, encore moins me vider par l'autre bout. Les efforts que je faisais pour rester digne, résister à la douleur et à la nausée me sciaient en deux, pendant que je gardais la tête plongée dans mon bouquin. J'aurais aimé m'asseoir mais le seul banc à proximité était trempé.

Je fini par fermer mon livre, que je ne lisais plus, et fit mine de m’intéresser aux gueules des gens dans la queue. Je respirais par le ventre, lentement, espérant que cela calme ma débâcle. Je serrais les fesses, priant pour que mes intestins ne me lâchent pas totalement. Le moins qu'on puisse dire c'est que je ne suis pas coutumière du fait. Mais que cela s'est reproduit depuis, jusque devant mon clavier pour écrire ce billet, chaque fois qu'aujourd'hui j'ai évoqué ces moments passés avec L. en me posant cette question qui me détruisait : "Et là, s'est-il forcé ?"

Car L. ne sait pas dire non. Ni "j'y réfléchirai", encore moins "pas cette semaine, je te tiens au courant". Il a fixé un rendez-vous alors qu'il n'en avait pas envie. Et je n'ai pas eu besoin de longues explications pour comprendre ce qu'il avait ressenti, ce sentiment de piège, cette impression de contrainte, de ne pouvoir s'échapper. Sauf que là, de façon renversée, j'ai tenu le rôle du geôlier, le rôle du salaud qui mène son mouton à l'abattoir. Et ca m'est insupportable. 

L'expo sur les robots n'est pas des plus réussie, le financier avec sa boule de vanille était très correct, le thé Mariage Frères parfait.