Jeudi de l'ascension, j'ai reçu la
part mâle d'un couple avec qui j'ai couché il y a presque un an. La
dame partant quelques jours en famille, elle prêtait son mari à qui
en voulait durant son absence. Elle m'avait précisé au téléphone
que tout était permis, sauf « dormir avec », chose de
toute façon in-envisageable pour moi.
En effet, je suis incapable de dormir
avec un plan Q. Je me suis retrouvée coincée quelques fois, et je
passe alors des nuits affreuses. L'angoisse est telle que ça me
ballonne terriblement si bien qu'à chaque fois que je sombre dans
les bras de Morphée je suis réveillée par le bruit de mes
flatulences (glamour, n'est-il pas ?). Quand, terrassée par la
fatigue, les yeux sortant de la tête, la migraine affleurant sous
mes sourcils, le cerveau retourné, je fini par dormir par paquet de
dix ou quinze minutes, il n'est pas rare que le jour perce déjà.
Donc, le jeudi de l'ascension, j'avais
préparé le petit lit dans le bureau. Je comptais m'y réfugier en
tant que de besoin.
Mais lorsqu'il s'est agit de fermer la
lumière, le monsieur a exigé que je tente de dormir avec lui,
contrevenant aux consignes de madame et à ce qui avait été
convenu. Lui rappelant ses engagements, il prétendit avoir arraché
le droit de dormir avec moi avant le départ de sa femme. J'ai eu
beau lui dire que je n'allais pas fermer l'œil, il s'installa dans
mon dos, m'enferma dans ses deux bras, et me demanda d'essayer. Je
n'avais alors plus la force de me battre contre cet énergumène qui
avait passer la soirée et une partie de la nuit à m'assaillir de
ses désirs et autres fantaisies (au nombre desquelles il avait
évoqué la possibilité de baiser sans capote !) et j'avais, de
surcroit, un débat en cours avec moi-même que je voulais
poursuivre.
Alors, allongée dans le lit, le
monsieur collé sur le dos, ligotée dans ses deux bras, je me mis à
tourner et retourner dans ma tête le dilemme qui m'habitait depuis
la veille. J'étais encore sous le coup de l'accusation d'égoïsme
de G. Alors qu'il me semblait que c'était lui qui avait fait preuve
d'une égocentrisme choquant, il me reprochait de ne pas prendre en
considération ses petits problèmes d'intendance d'homme en couple
aux trop rares moments de liberté. Quoiqu'il en soit de la réalité
des égoïsmes comparés, l'épisode qui nous avait conduit a notre
première discorde m'invitait plus que fermement à voir notre
relation sous un jour nouveau.
J'avais cru que notre relation était
un peu plus qu'un plan Q qui se décommande comme on décide de ne
finalement pas aller au cinéma pour préférer un pot en ville.
Visiblement, pour G., il en allait tout autrement. Je me torturais
donc pour décider d'une attitude à adopter, partagée entre mon
envie de rompre, blessée que j'étais au plus profond de moi, et mon
envie de lui, de le voir encore, aussi souvent que possible. Je
considérai, dépitée, qu'aucune fois je ne lui avais fait faux
bond, que j'avais toujours été présente pour lui, même quand ses
disponibilités ne m'arrangeaient pas, même quand ses créneaux nous
comptaient chichement les minutes. Encore une fois, j'avais
l'impression d'avoir donné sans mégoté, et que le retour était
décevant. Comment donner avec parcimonie, comment, en quelque sorte,
m'économiser pour éviter, inlassablement, de me consumer dans le
dépit et l'aigreur ? Comment, désormais, limiter mon investissement
quand je faisais tout cela sans y penser, parce que je suis ainsi.
Comment être soi (car c'est important d'être soi, d'être
naturelle, sans calcul) sans trop donner de soi ?
N'arrivant que médiocrement à arrêter
la voie à suivre, et sentant bien que ce n'était pas à 3h00 du
matin cette nuit là que j'y arriverais, je me dégageai doucement de
l'étreinte du monsieur que j'avais en garde et filai m'installer
dans le bureau où je pu m'assoupir confortablement durant... pas
longtemps. Car, dès 6h00, je senti une main caresser mon dos.
J'ouvrai les yeux et la première chose que je vis était le sexe
dressé du monsieur priape. Je le renvoyai à son lit, et replongeai
d'heureux chef dans le sommeil.
Le lendemain, une conversation sur le
net avec G. mis fin à mes tortures psychologiques. Toute réflexion
faite, avec le recul, il endossait tous les torts. Non, je n'étais
pas égoïste. Oui, il avait poussé le bouchon et avait oublié de
trier l'essentiel du plus accessoire.
Je me félicitais d'avoir été capable
d'exposé mon point de vue fermement mais sans esclandre, sans
accusation. Et de lui avoir laissé le temps de la réflexion.
Cependant, un peu d'amertume me restait
au fond du cœur. Je me serais bien passé de vivre cet épisode de
remise en question de moi, et de nous. Amertume qui fut dissoute en
une soirée et une nuit.
Samedi, profitant d'un gros mensonge,
G. vint me rejoindre pour passer la soirée avec moi et quelques
amis. Et après avoir roucoulés comme pigeons en amour au
restaurant, puis au sauna, G. est venu passer la nuit chez moi.
Averti qu'il était de ma phobie du
« dormir avec », il me demanda s'il devait sortir son
duvet de la voiture. Inutile, la maison fourni le linge de lit, et
puis j'avais mon idée. Lorsque je lui indiquai qu'il pouvait
s'installer dans mon lit pour la nuit, je lui demandai : « je
peux dormir avec toi ? »
Cette nuit là, c'est G. qui a pris un
peu la poudre d'escampette. Je m'endormais dans ses bras, la tête
sur son épaule, mais il me fit glisser pour s'enrouler en chien de
fusil. J'ai dormi tranquillement et profondément à coté de lui.