Je n'ai pas vu ma mère, ni aucun
membre de ma famille, depuis bien longtemps. Presque deux ans pour
elle, plus longtemps encore pour mon père et ma sœur. Les autres,
je ne les vois même plus à tous les enterrements. On meurt peu de
toute façon. Et en petit comité assez souvent. Quand aux mariages,
je n'y suis plus invitée depuis plusieurs décennies.
J'en ai une honte secrète. Je porte en
moi cette anormalité, cette monstruosité d'être un humain sans
attache, sans petit monde protecteur. Une petite voix me dit tout au
fond de moi que je dois être bien vilaine pour être ainsi punie,
que je dois être bien intransigeante pour ne même pas supporter
leurs appels téléphoniques, de plus en plus rares à mesure que je
réponds de moins en moins. Pourtant, les monstres, c'est eux.
Et c'est surtout elle. Ma mère.
Nous avons, elle et moi, un échange
épistolaire depuis plusieurs mois. L'échange s'étire péniblement
puisqu'il lui faut des semaines, et même des mois, pour me répondre,
le plus souvent à coté. Rien que d'écrire ca, j'ai envie de lui
écraser la gueule sur son clavier.
Son dernier mail est, comme les autres
finalement, un modèle du genre. Elle me dit qu'elle a toujours su
que j'avais eu une enfance malheureuse, entre une mère rigide et un
père psychologiquement incestueux. Ce sont ses mots. Et elle ajoute
«tu
essayais d'attirer mon attention par l'agression, je savais que tu
recherchais de l'affection, mais que dire quand une gamine de 8 ans
dit à sa mère: "je ne comprends pas que papa ai pu t'épouser
moche comme tu es"».
Mon père était peut-être incestueux.
Mais niveau relation incestueuse ma mère n'était pas en reste.
Probable qu'ils se sont bien trouvés sur ce terrain. Ma mère, je
sais qu'elle aime la sodomie depuis que j'ai 12 ou 13 ans. Je sais
qu'un tel était « monté comme un âne ». Que mon père
était un bon coup et qu'elle l'a menacé de se masturber s'il ne la
baisait pas plus souvent. Que tel autre ne se décidait
paresseusement qu'une fois tous les deux mois. Etc.. Elle trainait la
motte à l'air dans la maison, a couché avec au moins un de mes
copains lorsque j'étais ado, et se vente encore aujourd'hui de
coucher avec des hommes de mon age, tout en faisant remarquer que je
ne dois pas connaître l'extase avec ces jeunots mal dégrossis. Je
me garde de lui dire que de 25 à 60 ans mes amants me donnent
régulièrement satisfaction.
Tout cela n'est pas un détail, mais ca
n'est pas nouveau pour moi. Non, la nouveauté, c'est d'apprendre
qu'elle a toujours su que j'étais malheureuse et que, et bien, elle
n'y a pas remédié. Mieux : encore aujourd'hui elle se demande ce
qu'elle aurait bien pu faire. Une petite fille – sa fille -
demandait de l'amour, de la tendresse, de l'attention et, ma foi, que
vouliez-vous qu'elle y fasse ? La nouveauté, ca n'est pas que j'ai
eu une enfance merdique, une adolescence similaire et mon age adulte
en partie dévasté. Non. La nouveauté c'est que ma mère savait, et
qu'elle m'a laissé au fond de mon trou, en toute connaissance de
cause. Elle tente même de refermer le couvercle sur ma tête
aujourd'hui, avec son mail froid, ses phrases nettes et sans appel,
sans un mot de regret, sans un mot réparateur.
Maman, je te pisse à la raie !
Tellement nue à ces mots. Marionde, tu te livres décidément corps et âme comme peu en sont capables. Je souhaite juste que ces mots ainsi jetés pèsent un peu moins sur un coeur que l'on devine beau et généreux.
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