Tout à commencé un peu avant les
vacances de Toussaint, lorsque j'ai rencontré un certain H.
H. est un garçon pas transcendant,
mais pas désagréable, pas laid, pas grand, pas trop causant. Un mec
dans une honnête moyenne en somme.
La première fois que nous nous sommes
vu, c'était pour un cinéma. Oui, il était entendu que je ne
rencontrais plus pour le sexe, j'affichais que j'étais en stand by
sur ma fiche du site de rencontre. Lui non plus. Enfin, du moins ne
cherchait-il que des « couples dont homme bi ». Nous
semblions fait pour nous entendre.
Sauf qu'une fatigue écrasante m'a
prise le soir où je l'ai rejoint, à la sortie de la salle obscure
(je ne sais même plus ce que nous sommes allés voir). Cela m'arrive
de temps en temps, je sais que cela arrive à d'autres, mais le
phénomène est assez intéressant. Sans aucune raison apparente,
sans lien avec rien, vous peinez à garder les yeux ouverts, les
bruits vous arrivent comme assourdis et articuler quelques mots
cohérents relève de l'exploit. La chose vous surprend d'un coup,
sans crier gare. Je suis allée me coucher sans autre forme de
procès. J'étais d'ailleurs incapable d'autre chose.
Le lendemain j'avais de l’eczéma
dans les oreilles et ce qui pouvait ressembler à une mycose
vaginale.
C'est à partir de là que je me suis
enfoncée.
Tout d'abord j'étais tout simplement
terrifiée. J'allais même jusqu'à rêver éveillée que H. venait
avec un couteau très effilé chez moi et qu'il me tailladait.
Étrangement, mon rêve trouva un écho assez sinistre quelques jours
plus tard, lors de notre deuxième rendez-vous. Ce serait un peu long à expliquer, mais cela me plongea
dans une ambiance particulière, avec l'impression que je ne vivais
plus tout à fait dans un monde rationnel. L'étrangeté envahissait
ma vie.
Et puis il y eu les péripéties avec
L. Avec le recul, je ne comprends toujours pas l'ampleur de certaines
de mes réactions. Pas qu'il m'ait ménagé le bougre, mais moi-même
je n'ai pas su faire « tampon », prendre le recul
nécessaire. J'étais comme un bateau sans gouvernail, à la merci
des éléments. J'ai même depuis repéré certains biais que j'avais
presque entièrement fabriqué.
Et puis, au milieu de ces épisodes, il
y a eu mon séjour orléannais. J'ai revu mon ex, dont la mélancolie
est contagieuse. J'ai passé une journée avec G., que j'ai senti
déconnecté, et il l'était, perturbé par la santé de son père
déclinant.
La sensation d'étrangeté et de danger
s’amplifiait. Eczéma, mycose qui n'en n'est pas, troubles divers,
mon corps disait stop. Mais stop à quoi ? Et comment sortir de
ce monde étrange, angoissant ? Je me sentais devenir folle.
Je ne sais trop comment, la sensation
d'étrangeté s'est atténuée jusqu'à disparaître. A peu près, je
crois, au moment où j'ai écrit « partout des signes ».
En revanche, l'angoisse est restée, et petit à petit, s'est ajouté
la tristesse.
Le fiasco de l'épisode L. n'a sûrement
rien arrangé, et a alors commencé la valse des questions
embarrassantes, terrifiantes. Serais-je toujours aussi nulle ?
Resterais-je incapable de nouer des relations normales ?
Pourquoi me trouve-t-on si bizarre, si incompréhensible ? A
nouveau la peur de la folie. Insensiblement je perdais pied, je
perdais confiance en moi, ce qui me conduisit tout naturellement a
décider de retourner voir un psy. Ce que je vivais tout de même
comme un échec : incapable de vivre sans psy plus de quelques
mois, que dis-je, quelques semaines.
Et puis, il y eu le retour de E. sur
mon blog, qui ne m'a pas vraiment troublé, jusqu'au déjeuner avec
lui. Troublée oui, secouée, un peu, questionnée beaucoup. Mais
finalement, c'était paradoxalement un évènement avec lequel
j'étais assez au clair. E. et moi, c'est une vieille histoire, le
cuir a prêté.
Mais alors, c'est la peur de la
solitude, de la solitude infinie, qui m'a paralysé. Et j'ai perdu
tout courage. L'angoisse était envahissante, je ne savais pas contre
quoi je devais me battre, je ne comprenais rien de rien. Que
m’arrivait-il ? Pourquoi en étais-je là ? Mystère.
J'avais beau me refaire le film depuis cette étrange coup de pompe
du cinéma avec H., je ne comprenais pas.
Hier matin, toute nue avec une tasse de
café à la main, je pensais. Je pensais à ce malaise grandissant,
et qui, de ponctuel, envahissait petit à petit toute mon existence,
jusqu'à mes deux dernières nuits. Et je me désespérais, ne
trouvant pas de point d'appui, de faille où glisser un coin. C'était
comme si tout cela ne dépendait pas de moi. Je me disais que j'étais
à nouveau en prison. Cette prison intérieure. Je vis, je souris, je
vais ici ou là, mais c'est une personne d'apparat. La vraie
Marionde, elle est de plus en plus tassée dans un coin, derrière
les murs et les barreaux de sa peur. Ces derniers jours, je n'ai plus
envie de sortir, la curiosité ne me guide plus vers le dehors, vers
les autres. Seule la peur me guide : rester en boule dans mon
lit, voilà mon seul horizon.
Et je pense à la prison. Comment se
fait-il que je suis retournée dans ma prison ? Comme quand
j'étais retournée dans l'univers glacé de l'abandon lors de
l'épisode du sauna avec L. ? Je reconnais la peur, je reconnais
l'angoisse, je reconnais la peur de la folie, et aussi cette
éloignement des autres, cet insupportable sensation de ne plus
entrer en contact. Mais je ne reconnais pas les murs. Parce que rien
n'explique que je sois à nouveau derrière les barreaux. Et parce
qu'il manque quelques ingrédients, quelques pierres fondatrices :
la honte de moi, la haine de moi. Les pierres ne sont pas les mêmes,
c'est que... C'est que ce n'est pas ma prison ! Les barreaux que
je tente de briser, ce n'est pas moi qu'ils enferment, c'est l'autre,
les autres. Alors, c'est bien normal que je ne puisse rien contre cet
enfermement là. Je ne suis pas en cellule, je suis au parloir. Ils
sont quelques uns dans leur prison, que je n'ai pas envie de laisser
à leur sort, mais je ne suis pas obligé de me charger de leur
peine.
Et instantanément la chape de plombs
qui m'écrasait s'est envolée.
Hier, à 11h10, toute nue sur le bord
de mon lit, avec une tasse de café à la main, je suis sortie du
parloir, et je vais bien depuis.
Bonjour Marionde,
RépondreSupprimerJ en suis ravie : que vous alliez bien !
J ai aimé ce texte, j ai eue mal encore, et puis moins ensuite.
Meilleurs voeux .
A.