mardi 21 août 2012

Le petit peuple des dunes


J'ai passé trois jours et trois nuits avec G., en Vendée. Trois jours fabuleux en tous points, sans anicroche, dans l'entente et l'harmonie la plus totale. Si on excepte le départ, si on excepte le fait que je l'ai quitté, que nous nous sommes dit adieu.

S'embrasser pour les dernières fois, les larmes mouillant et salant nos lèvres, toucher nos peaux pour la dernière fois, nous dire des choses essentielles pour la suite l'un sans l'autre, se fût doux, comme on sait l'être tous les deux, mais déchirant.
Mais le plus terrible, c'était le lendemain matin, au réveil. Revenir au monde sans lui, c'était une blessure que le jour cuisait, sur laquelle ma conscience buttait alors que j'aurais voulu replonger dans le sommeil, dans ce monde où G. était surement encore là, où le manque n'existe pas.

Ce séjour en Vendée, c'était une riche idée, en même temps qu'un sacré cadeau empoisonné.

Mais si quitter G. est si pénible, et même momentanément insupportable, j'ai des souvenirs magnifiques, des souvenirs d'orgasmes gigantesques, d'orgasmes sous le ciel bleu et les ajoncs, j'ai des souvenirs de réjouissances à plusieurs, des souvenirs d'avoir réussi à trouver l'équilibre entre la tendresse et le vice.

Le temps était suspendu. Je ne savais plus si j'étais là, en Vendée avec G., depuis vingt minutes ou dix jours. Nous n'avions pas d'heure, si ce n'était celle de nos désirs. Telle une chatte en maraude j'en aurais oublié de manger. J'avais perdu l'appétit, sauf lorsque nous nous attablions pour faire un repas de ce que nous avions choisi ensemble, et là, tout à coup, je mourrais de faim et je dévorais.
Le monde était à la fois gigantesque, avec l'océan, le ciel, l'immense plage, les étendues de landes et de dunes à perte de vue, et inexistant. Nous étions dans notre bulle d'amour et de bonheur, à l'abri de la violence du monde.



Il y a, dans les dunes de la plage du petit pont, tout un petit peuple de pervers.
G. m'avais souvent parlé des rencontres qu'il y faisait, s'y faisant sucer ou suçant. J'étais toujours curieuse qu'il me raconte ses escapades à la plage, tout comme j'étais friande de ses récits de sauna aux heures gay. Tout ces hommes (car j'y ai vu surtout des hommes, même s'il y vient des couples et parfois des femmes seules) se connaissent au moins de vue (et souvent « de cul », dirons-nous) mais on en sait parfois bien plus. Il y a des contrôleurs du trésor, des musiciens, des pères de familles qui parlent de leurs enfants, des maris qui parlent de leurs femmes, etc...

La dune, c'est un peu le paradis des exhibs, qui font le bonheurs des voyeurs encore plus nombreux. Lors de notre première après-midi à la plage du petit pont, G. et moi nous sommes trouvé un petit coin un peu protégé, mais pas trop. Ca allait et venait à proximité, ca aurait bien participé, mais G. avait envie de rester seul avec moi, et les amateurs de sexe se sont contenter de mater et d'envier ce bienheureux homme. Même si j'avais imaginé faire autre chose que rester à deux dans les dunes, être regardée, et entendue, par nombre de voyeurs, et puis avoir au dessus de ma tête et dans les yeux les ajoncs et le ciel perlé de quelques nuages, le bruit de la houle, puissante ce jour là, dans les oreilles, le vent tiède se coulant sur mon corps, tout en me faisant lécher goulûment par G., suffisait amplement à mon bonheur, et même à mon extase. Il aurait fallut être difficile pour ne pas trouver ca simplement magique. Après un cuni en règle, nous avons opté pour une levrette. C'était le début de la soirée, l'assistance s'était clairsemée même si deux voyeurs nous observaient encore, planqués non loin, et sur le soleil couchant j'étais nue, à quatre pattes, les genoux calés dans le sable sur la couverture, G. en train de me besogner assez furieusement en murmurant des choses indistinctes et que je pouvais traduire selon mes besoins en choses douces ou choses crues. Hurler de plaisir dans la nature, lancer son cri sur la landes qui court à l'infini, dans cette posture animale, avec rien en face de soi que le sable et la végétation, c'est un peu retrouver le cri primal, avoir l'impression de participer à la naissance du monde, retrouver les temps immémoriaux.



Le lendemain, j'ai mieux fait connaissance avec C. et un autre type dont le prénom m'échappe.
Avec G., nous avions passé une partie de l'après-midi sur la plage, un peu en retrait mais pas encore dans les dunes, coincés entre deux mondes : celui des baigneurs naturistes, venus là en famille ou en couple, et celui des obsédés du cul, errant dans le sable à le recherche d'une opportunité. Dans cet entre deux, nous étions le couple venu profiter de la plage, tout en excitant la curiosité des voyeurs perchés sur la dune. Nous nous étions laissé allé à quelques caresses un peu coquines : j'avais consciencieusement enduit d'huile solaire le sexe de G., il m'avait plus tard tété les tétons.
Le soleil et la température baissant, la plage se vidait, laissant le champs libre au petit peuple des dunes. C'est alors que G. me proposa de demander à C. de se joindre à nous. Ils se connaissaient, s'étaient sucé de temps à autre, se retrouvant d'une année l'autre. Je savais tout cela.
Je n'hésitai pas longtemps. G. disparu un moment derrière la dune qui était en surplomb et revint vite. C'était bon, on y allait, mais il avait dit non à un autre mec qui papotait avec C. Sauf que le mec nous emboita le pas. J'apercevais en ligne de mire le chapeau de C. caracoler dans les dunes, vraisemblablement à la recherche d'un lieu propice à notre projet. Je suivais un peu péniblement en piochant dans le sable, accrochée à la main de G., l'invité surprise dans mon sillage.
Les choses commencèrent très vite. Un peu trop vite pour moi. A peine assis sur la couverture dans l'endroit choisi par C., l'invité surprise nous assura qu'il ne faisait que regarder et à peine avait-il notre accord que C. poussait déjà la tête de G. vers la queue qu'il lui tendait. G. ne se fit pas prier et se mit a sucer goulument, mais mon cœur se serra en une panique instinctive. Peut-être parce que je n'aime pas qu'on me fasse cela, qu'on pousse ma tête vers la queue à sucer. Mais c'était, certainement, un changement de perspective un peu radical et rapide pour moi. Mon G., mon mâle, traitée comme une vulgaire soumise ?! J'avais peur tout à coup de ne pas reconnaître mon G., et de le perdre donc. Je ressentais le besoin irrépressible de rétablir le contact, de me rassurer, et peut-être de le rassurer lui. Je me glissais contre lui en chien de fusil, nous étions quasiment face à face pendant qu'il pompait vigoureusement C. Je le caressais doucement un peu partout, faisant courir mes doigts sur lui. Je croisais la main de C. qui caressait ses fesses. Je l'embrassais, le léchais sur tout le torse, sur les bras, attrapant de temps à autre sa queue toute molle dans ma bouche pour la suçoter. J'ignorais s'il appréciait, mais je continuais pour moi. Plus tard, quand nous en avons parlé, il m'a dit que si je n'avais pas été là, tout contre lui, à le câliner, il m'aurait cherché, que cela l'avait rassuré de me sentir contre lui, et que je m'occupe de lui tout doucement. Rassuré de quoi me suis-je demandé ? Pas de se retrouver à sucer C., c'était devenu sinon banal du moins courant pour lui. Surement rassuré de savoir que je suivais le mouvement, que j'appréciais le moment, rassuré que je le considère toujours comme mon homme.
De temps en temps je coulais un regard pour observer la bouche de G. qui s'activait sur la bite. Il avait une technique goulue, jouant des lèvres, de la langue, avalant largement la queue pas très longue ni très grosse du mec. Il enveloppait le gland d'une langue bien souple, et de temps à autre le titillait du bout, et puis avalait le membre avec gourmandise. A quelques occasions j'ai croisé le regard de G. qui cherchait le mien, et à chaque fois cela m'a inondée de tendresse en même temps que je me sentais indiscrète de le regarder faire ainsi.
Mais tout à coup, j'ai senti deux mains sur moi, sur mes fesses. J'ai crié « non : » en me retournant. Un papi ventripotent, rouge de peau, blanc de poil, était penché sur moi, tardant à retirer ses mains. En un réflexe G. avait levé la jambe, une détente suffisait pour écraser le nez du type qui fini par reculer devant l'insistance de G. qui devenait menaçant.
L'incident ne nous perturba pas outre mesure cependant, et les opérations reprirent. A un moment, j'ai pensé que j'aurais aimé rejoindre G. et sucer avec lui. Mais C. ne me disait rien du tout. Pas dans l'absolu mais dans sa façon d'avoir brusqué les choses au départ.
Le type n'a pas été très long a donner des signes de fin. Je crois avoir entendu quelques mots que j'ai préféré oublier, et puis une autre angoisse me vint. Je n'avais pas envie que le mec éjacule dans la bouche de G. Je n'avais pas envie qu'il m'embrasse juste après sinon. Quand je vis le ventre de C. abondamment couvert de son sperme, je fut rassurée. Et puis G. a pris soin de ne pas m'embrasser tout de suite et même de se rincer la bouche avant.
Mais C. repartait. Il devait rentrer à l'heure pour la soupe, madame avait déjà bien couiner la veille de son retour tardif. Il me dit que G. était doué, et qu'il fallait aussi me remercier pour ce bon moment. Il me posa un smack sur les lèvres et fila vers ses obligations familiales.
Nous sommes rester avec le voyeur. Qui continua de ne rester que voyeur et assista à nos ébats, tenailler par l'envie de participer. J'étais un peu tourneboulé par la rapidité des choses, et j'eus plaisir à retrouver G. pour moi, à mon rythme.
Mais c'est plus tard, quand nous reparlâmes de ce qui s'était passé, que cela m'excita le plus. Libéré de l'impression de précipitation, dans une intimité retrouvée, j'éprouvais un grand plaisir à dire à G. qu'il savait drôlement bien sucer, et que j'avais pris soin d'observer sa technique. J'aimais a repenser à la bouche de G. sur la queue du mec, et cela m'excitait de lui dire que j'aurais aimé participer et sucer avec lui.

Le lendemain, nous sommes restés sages sur la plage, plus près de l'eau, sans aller dans les dunes. Nous avions un resto de prévu et donc pas trop de temps en début de soirée, et puis l'ambiance était à autre chose.
Nous avons joué avec la mer. La houle était encore trop puissante pour se baigner vraiment, alors nous jouions à nous faire peur en attendant les plus grosses vagues, en sentant nos pieds s'enfoncer dans le sable au moment du reflux. A un moment, j'ai décidé de m'asseoir dans une énorme vague pour que tout mon corps profite de l'eau. Je riais, un peu chahutée par l'océan. G. m'a imité. Et puis, tout à notre plaisir, nous avons été surpris par une vague plus puissante que les autres. Elle nous a recouverts, roulés, tirés sur le gravier, puis remportés un peu dans l'autre sens, nous laissant des égratignures sur les fesses et le dos. Je riais à perdre haleine, à moitié étouffée par l'eau.
Plus tard, allongés l'un contre l'autre, nous nous caressions doucement. Nous nous souriions, les yeux plongés dans les yeux de l'autre. Nous nous embrassions, et j'étais agitée d'une envie qui devenait irrépressible. Alors je collais ma bouche à son oreille et je disais les deux mots qui allait me libérer de cette envie : « je t'aime ». A son regard un peu perdu tout à coup, à sa façon de presser ses lèvres l'une contre l'autre puis de me serrer très fort contre lui en enfouissant sa tête contre ma poitrine, je compris qu'il aurait voulu me dire la même chose, mais que c'était impossible, qu'il ne s'y autorisait pas. Et c'est avec des périphrases chantournées qu'il me le dit le lendemain, à quelques heures de me quitter : « la chose que tu m'as dites deux fois, tu sais... Moi aussi je le pense, mais je peux pas le dire ». Et puis, sur le quai, au moment où le train partait, il a fait un cœur qui bat avec ses mains.

C'est pas comme si j'avais pas déjà vécu une histoire d'amour avec un mec en couple. C'est pas comme si je ne connaissais pas déjà cette douleur. Non, vraiment, c'est pas comme si...



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