samedi 1 décembre 2012

La modification : testament

Tous les samedis matin, je me lève dès potron minet (enfin, vers 7h30) pour me rendre dans le 18ème, à un atelier d'écriture. Manie ancienne, je hante les ateliers d'écriture depuis de nombreuses années.

Mon actualité récente (que dis-je, brûlante), alliée à ma longue pratique des hommes en couple, m'a certainement inspiré le texte du jour.

La consigne, pourtant, n'avait pas l'air de penser à mal. Il s'agissait d'écrire un testament littéraire. Par exemple, Catherine Cusset a écrit le testament d'Anna Karénine, et je ne sais plus qui celui de Zazie (de Zazie dans le métro, pas Zazie la chanteuse).

Voilà ma production.



Vous ne vous souvenez plus de mon nom, ni peut-être de celui de mon auteur.

Vous, c'était moi alors. Lorsque vous avez lu La modification, vous étiez bien mal assis dans un certain train Paris-Rome. Vous ne pouviez vous empêcher de vous agiter sur la banquette en vous disant : "Mais quel pauvre type ! Si "Vous" c'était vraiment moi, ça serait vite fait, vite décidé. Paris ou Rome ? Pour moi ce serait Rome !"

Mais, reprenant votre lecture, interpellé sans cesse par ce "vous", vous étiez sommé de rester assis là, dans ce train, à subir les hésitations de "vous", ballotté au rythme des rails, pas complètement "vous" et pourtant...

Mais je me dois de reprendre la main, et le "je". Un testament, on l'écrit à la première personne du singulier.

J'ai vécu comme un con, et je meurs de même. Dans ce train entre Paris et Rome, finalement, j'y suis resté. J'ai hésité toute ma vie entre mes désirs flous et contradictoires. Jamais aucun ne s'est affermi suffisamment pour me permettre de choisir. Alors j'ai vécu une vie prête à l'emploi.
Anti-héros j'étais, anti-héros je meurs. Qu'ai-je à léguer, moi qui me suis si peu appartenu, moi qui n'ai vécu qu'à moitié. Non, même pas à moitié, puisque je n'ai vécu qu'un entre deux.

J'ai bien accumulé quelques biens et quelque argent dans cette vie que je n'ai pas choisie, dans cette vie tracée d'avance par d'autres et qui ne me demande pas d'effort. Une maison, un travail, une femme, des enfants, un plan retraite.... Et puis le souvenir de quelques maîtresses, car après celle de Rome il y en eu quelques autres.

L'argent, le matériel, les vivants savent quoi en faire. Les lois concernant l'héritage règlent tout cela. Je n'ai rien à rajouter.
Non, si vraiment j'avais quelque chose à léguer, ce serait ces souvenirs, ces éclairs de joie trop vite étouffés, ces souvenirs qui, eux, m'appartiennent vraiment, et seulement à moi, car je ne les ai dit à personne
Ce que j'ai de plus précieux, c'est cette autre vie qui m'appelait et que je n'ai pas choisi, c'est cette vraie vie que je n'ai vécu que par tout petits bouts, c'est ces femmes qui ont cru en moi pour leur plus grande déception. A Rome, on m'attend toujours. Ou plutôt, on ne m'attend plus depuis longtemps.

Mais, à qui léguer ces souvenirs d'une vie qui a trop peu eu lieu, cette plus belle part de moi-même ?






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.