« Votre
partenaire vous comble de tendresse... Wahouu... ». Derrière
moi un trentenaire lit l'horoscope à deux autres hommes du même
age. Cela me fait sourire de voir ces trois types commenter les
prévisions astrales pour le mois à venir dans le métro, en ce
matin froid et vaguement neigeux.
Pourtant,
ce mois de décembre ne me met pas particulièrement en joie.
«
Je sais que tu n'aimes pas que je te dise ça mais... Allez, je le
dis : tu me manques » m'a dit G. hier soir au téléphone.
Je
réalise que je ne parle plus de G., ici et ailleurs. Que petit à
petit je jette un voile pudique sur certains éléments de ma vie.
Pour ménager les susceptibilités. Oh ! Bien sûr, personne ne m'a
rien dit, rien demandé, mais je ménage L. Quand il n'y a peut-être
rien à ménager.
Alors
je n'ai pas parlé de G., et de la journée que nous avons passé
ensemble à Orléans il y a quelques semaines.
Je
n'ai pas parlé de l'immense peine que je ressens pour lui, parce
qu'il est en train de perdre son papa, qui s'éteint depuis des
semaines, comme une bougie arrivée en bout de mèche. Une bougie qui
surement ne brillera plus en 2013.
Je
n'ai pas parlé non plus de l'agacement qui se mélange à tout ça,
quand il n'arrive pas à me joindre depuis des jours, m'appelant ou
me textotant à des moments improbables pour moi. S'il ne se sentait
pas si tenu par sa vie de couple, il arriverait à me téléphoner à
des heures plus propices ! Alors, hier soir, il à fait des heures
sup pour justifier sa sortie tardive du boulot, pour pouvoir
m'appeler sur le chemin du retour.
Son
piège se referme. Sa femme a décidé de façon unilatérale de ne
pas travailler ce mois-ci, pour « être là », pour
« aider en ces moments difficiles ». Et G. n'a rien dit,
il n'a pas dit que ca ne lui semblait pas une si bonne idée. Et
désormais il étouffe encore un peu plus sous la sollicitude et la
présence de sa femme. Collés serrés. Il ne peut même plus
profiter des rares moments de liberté que lui procuraient les
horaires décalés de sa femme. Elle est là, avec sa compassion
encombrante, comme un mur.
« Je
t'ai peut-être bien trouvé une chatte à lécher ». Hier
soir, la conversation avec L. avait plutôt bien débutée. Je
cherchais à savoir qui était cette fille. Il la connait depuis
plusieurs années, m'expliqua-t-il, c'est d'ailleurs chez elle qu'il
a passé un week-end dernièrement, à Villeàlacon. Moi qui m'étais
bien gardé de poser des questions sur ce week-end, pensant connaître
les réponses, mais préférant prudemment garder un peu de mystère,
tant il est vrai qu'il y a une grande différence entre savoir et ne
pas ignorer, et pensant qu'il était de toute façon prématuré pour
traiter le problème de « avec qui peut-on coucher, et dans
quelles circonstances, et qu'est-ce qu'on se raconte », si tant
est que ce moment viendrait un jour, j'étais servi. Pensais-je. Mais
j'étais bien sûr loin du compte.
Tâtant
le terrain, je demandais à L. comment il imaginait les choses.
C'était tout simple, nous nous retrouverions chez lui pour un thé,
et on voyait pour la suite. Le terrain ne me semblait ni neutre, ni
engageant. Voulant bien cerner les conditions de la partie de pattes
en l'air, et commençant à sentir les contours de l'entourloupe, je
fis remarquer que tant de kilomètres pour boire un thé, ça allait
lui faire long à la dame. Mais non, elle serait là pour les fêtes.
Là ? A Paris ou chez lui ? Chez lui.
L'idée
était donc que je me pointe chez lui, que je les trouve tous les
deux au nid roucoulant de concert, ayant déjà baisé tout leur
saoul depuis la veille ou depuis des jours, que je joue donc le rôle
du troisième larron, vidant les lieux après usage, les laissant
mariner dans leur phéromones pendant que je reprendrais le métro
pour m'en retourner dans mon studio.
Alors
qu'il me disait combien cette perspective de trio l'enchantait (et je
notai alors qu'il était capable d'enthousiasme, contrairement à
toutes ces fois où ses réponses évasives et ambigües pouvait
raisonnablement m'en laisser douter), je prévins L. que j'allais
être honnête : l'idée
d'arriver chez lui en ayant l'impression d'arriver chez un couple,
genre elle est installé là pour les vacances, ca ne me disait
absolument rien. Et je me voyais encore moins repartir après le thé
si elle ne me plaisait pas, en les laissant tous les deux.
Comme
il insistait, me demandant si une autre formule pourrait me
satisfaire, je lui disais sans ambages que cette formule là, en tout
les cas, me débectait. Je pensais que le mot était assez fort pour
qu'il cesse immédiatement de remuer le couteau dans la plaie béante.
Être débecté, putain, c'est pas clair ?
« Et
en club » me fit-il ?
Alors,
je me vis arriver au club, lui payant l'entrée couple avec sa
copine. Et puis à la sortie, eux prenant le métro en sens inverse
pendant que je me rentrerais toute seule dans le 19eme. Comment
pouvait-il imaginer que c'était différent du plan précédent ?
Alors,
je reformulai : « je
n'ai pas envie de me voir comme la troisième, qui voit le petit
couple se barrer chez lui après avoir baisé. Pas avec toi. Alors ta
copine de Villeàlacon qui vient chez toi pendant les fêtes, c'est
pas le bon plan ».
Sa
réponse fût courte : ok.
Et
c'est tout.
Rien
de plus.
Pourtant
j'ai attendu quelque minutes, estomaquée que j'étais. Je crois même
que j'ai pris le temps d'aller pleurer un coup dans mon lit. Car, en
même temps que je réalisais que j'avais (mais c'est tellement
habituel) beaucoup plus investi dans la relation que L., et que cela
nécessitait une sacrée remise en cause de mon fonctionnement avec
lui, il m'est également devenu évident que j'avais misé sur les
vacances de fin d'année pour le voir plus, et faire tout un tas de
choses avec lui. La copine de Villeàlacon m'avait coiffée sur le
poteau. Le temps que j'avais envie de passer avec lui, ce serait elle
qui en profiterait.
Décidément,
je n'aime pas les fêtes de fin d'années.
Père
Lachaise, cimetière de toutes les espérances, c'est là que je
descends.
Pour te consoler : http://youtu.be/YqvVSgz1ro4
RépondreSupprimerL.
Finalement, je publie le commentaire de L. avec quelque retard et hésitations. Je me suis sentie tellement agressée par ce commentaire que je n'envisageais pas de me payer le luxe de me faire foutre de ma gueule ici, chez moi, et en public.
SupprimerMais, après tout, chacun sera libre de penser ce qu'il veut du personnage et de son commentaire.
Et avec recul, pour qui se souvient du lien entre le sphynx et Eudipe, la coïncidence est belle ! Presque trop.