vendredi 7 décembre 2012

Le père noël est vraiment une ordure


« Votre partenaire vous comble de tendresse... Wahouu... ». Derrière moi un trentenaire lit l'horoscope à deux autres hommes du même age. Cela me fait sourire de voir ces trois types commenter les prévisions astrales pour le mois à venir dans le métro, en ce matin froid et vaguement neigeux.

Pourtant, ce mois de décembre ne me met pas particulièrement en joie.

« Je sais que tu n'aimes pas que je te dise ça mais... Allez, je le dis :  tu me manques » m'a dit G. hier soir au téléphone.
Je réalise que je ne parle plus de G., ici et ailleurs. Que petit à petit je jette un voile pudique sur certains éléments de ma vie. Pour ménager les susceptibilités. Oh ! Bien sûr, personne ne m'a rien dit, rien demandé, mais je ménage L. Quand il n'y a peut-être rien à ménager.
Alors je n'ai pas parlé de G., et de la journée que nous avons passé ensemble à Orléans il y a quelques semaines.
Je n'ai pas parlé de l'immense peine que je ressens pour lui, parce qu'il est en train de perdre son papa, qui s'éteint depuis des semaines, comme une bougie arrivée en bout de mèche. Une bougie qui surement ne brillera plus en 2013.
Je n'ai pas parlé non plus de l'agacement qui se mélange à tout ça, quand il n'arrive pas à me joindre depuis des jours, m'appelant ou me textotant à des moments improbables pour moi. S'il ne se sentait pas si tenu par sa vie de couple, il arriverait à me téléphoner à des heures plus propices ! Alors, hier soir, il à fait des heures sup pour justifier sa sortie tardive du boulot, pour pouvoir m'appeler sur le chemin du retour.
Son piège se referme. Sa femme a décidé de façon unilatérale de ne pas travailler ce mois-ci, pour « être là », pour « aider en ces moments difficiles ». Et G. n'a rien dit, il n'a pas dit que ca ne lui semblait pas une si bonne idée. Et désormais il étouffe encore un peu plus sous la sollicitude et la présence de sa femme. Collés serrés. Il ne peut même plus profiter des rares moments de liberté que lui procuraient les horaires décalés de sa femme. Elle est là, avec sa compassion encombrante, comme un mur.

« Je t'ai peut-être bien trouvé une chatte à lécher ». Hier soir, la conversation avec L. avait plutôt bien débutée. Je cherchais à savoir qui était cette fille. Il la connait depuis plusieurs années, m'expliqua-t-il, c'est d'ailleurs chez elle qu'il a passé un week-end dernièrement, à Villeàlacon. Moi qui m'étais bien gardé de poser des questions sur ce week-end, pensant connaître les réponses, mais préférant prudemment garder un peu de mystère, tant il est vrai qu'il y a une grande différence entre savoir et ne pas ignorer, et pensant qu'il était de toute façon prématuré pour traiter le problème de « avec qui peut-on coucher, et dans quelles circonstances, et qu'est-ce qu'on se raconte », si tant est que ce moment viendrait un jour, j'étais servi. Pensais-je. Mais j'étais bien sûr loin du compte.

Tâtant le terrain, je demandais à L. comment il imaginait les choses. C'était tout simple, nous nous retrouverions chez lui pour un thé, et on voyait pour la suite. Le terrain ne me semblait ni neutre, ni engageant. Voulant bien cerner les conditions de la partie de pattes en l'air, et commençant à sentir les contours de l'entourloupe, je fis remarquer que tant de kilomètres pour boire un thé, ça allait lui faire long à la dame. Mais non, elle serait là pour les fêtes. Là ? A Paris ou chez lui ? Chez lui.

L'idée était donc que je me pointe chez lui, que je les trouve tous les deux au nid roucoulant de concert, ayant déjà baisé tout leur saoul depuis la veille ou depuis des jours, que je joue donc le rôle du troisième larron, vidant les lieux après usage, les laissant mariner dans leur phéromones pendant que je reprendrais le métro pour m'en retourner dans mon studio.

Alors qu'il me disait combien cette perspective de trio l'enchantait (et je notai alors qu'il était capable d'enthousiasme, contrairement à toutes ces fois où ses réponses évasives et ambigües pouvait raisonnablement m'en laisser douter), je prévins L. que j'allais être honnête : l'idée d'arriver chez lui en ayant l'impression d'arriver chez un couple, genre elle est installé là pour les vacances, ca ne me disait absolument rien. Et je me voyais encore moins repartir après le thé si elle ne me plaisait pas, en les laissant tous les deux.

Comme il insistait, me demandant si une autre formule pourrait me satisfaire, je lui disais sans ambages que cette formule là, en tout les cas, me débectait. Je pensais que le mot était assez fort pour qu'il cesse immédiatement de remuer le couteau dans la plaie béante. Être débecté, putain, c'est pas clair ?

« Et en club » me fit-il ?

Alors, je me vis arriver au club, lui payant l'entrée couple avec sa copine. Et puis à la sortie, eux prenant le métro en sens inverse pendant que je me rentrerais toute seule dans le 19eme. Comment pouvait-il imaginer que c'était différent du plan précédent ?
Alors, je reformulai : « je n'ai pas envie de me voir comme la troisième, qui voit le petit couple se barrer chez lui après avoir baisé. Pas avec toi. Alors ta copine de Villeàlacon qui vient chez toi pendant les fêtes, c'est pas le bon plan ».

Sa réponse fût courte : ok.

Et c'est tout.

Rien de plus.

Pourtant j'ai attendu quelque minutes, estomaquée que j'étais. Je crois même que j'ai pris le temps d'aller pleurer un coup dans mon lit. Car, en même temps que je réalisais que j'avais (mais c'est tellement habituel) beaucoup plus investi dans la relation que L., et que cela nécessitait une sacrée remise en cause de mon fonctionnement avec lui, il m'est également devenu évident que j'avais misé sur les vacances de fin d'année pour le voir plus, et faire tout un tas de choses avec lui. La copine de Villeàlacon m'avait coiffée sur le poteau. Le temps que j'avais envie de passer avec lui, ce serait elle qui en profiterait.

Décidément, je n'aime pas les fêtes de fin d'années.

Père Lachaise, cimetière de toutes les espérances, c'est là que je descends. 

2 commentaires:

  1. Pour te consoler : http://youtu.be/YqvVSgz1ro4

    L.

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    1. Finalement, je publie le commentaire de L. avec quelque retard et hésitations. Je me suis sentie tellement agressée par ce commentaire que je n'envisageais pas de me payer le luxe de me faire foutre de ma gueule ici, chez moi, et en public.
      Mais, après tout, chacun sera libre de penser ce qu'il veut du personnage et de son commentaire.
      Et avec recul, pour qui se souvient du lien entre le sphynx et Eudipe, la coïncidence est belle ! Presque trop.

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